L’état d’urgence était-il nécessaire ?

Face à une situation d’extrême menace comme celle que nous connaissons, il est légitime. Dans un cas comme celui-là, il faut disposer de tous les pouvoirs prévus par la loi. Un gouvernement se doit de prendre, vis-à-vis du pays, les mesures les plus fortes.

Fallait-il prolonger cet état d’urgence pour une durée de trois mois ? Disons simplement : le gouvernement a taillé large. Mais on peut mettre fin à l’état d’urgence à tout moment si cet état ne se justifie plus. Est-ce que dans le meilleur des mondes juridiques, il n’aurait pas été préférable de demander la reconduction de l’état d’urgence par le Parlement tous les mois pendant cette période ? Peut-être. Mais n’oubliez pas la menace qui pèse aujourd’hui sur la France.

Jusqu’où peut-on pousser le curseur sécuritaire ?

Nous ne débattons pas devant l’Académie des sciences juridiques ! Le pays est confronté à une menace redoutable. Le terrorisme est une doctrine et une méthode qui a connu bien des formes dans l’histoire. 

Aujourd’hui, nous sommes face au terrorisme de Daech, des djihadistes. Et pour les démocraties, il s’agit d’une menace mortelle dans la mesure où ce qui les anime, c’est une volonté de mort contre les occidentaux. Face à cela, l’État de droit ne peut être l’état de faiblesse. Cela signifie que nous devons nous servir des armes légales qui sont à notre disposition. Notre garantie, c’est le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel et les juridictions administratives ou judiciaires. C’est à eux de dire si telle ou telle mesure que le gouvernement a prise satisfait à l’État de droit. Le contrôle parlementaire, lui, s’est exercé au moment du vote de la prolongation de l’état ­d’urgence et il doit continuer à s’exercer car le Parlement n’est ni dissous ni en vacances.

Quelle est votre réaction de juriste ?

L’état d’urgence entraîne un transfert de pouvoirs judiciaires à l’administration. On étend les pouvoirs des préfets, on étend les pouvoirs de la police. Or l’État de droit confie aux magistrats de l’ordre judiciaire la garantie de l’exercice des libertés individuelles, notamment s’agissant des perquisitions ou assignations à résidence. C’est là, à mon sens, que l’on pourrait  améliorer le contrôle par les juges. Mais on ne peut ignorer la menace extrême que fait peser le terrorisme aujourd’hui sur la France. Vous ne pouvez pas, dans une société démocratique, ne pas réagir. Regardez ces morts, ces photos, ces visages ! Pourquoi ferions-nous preuve de la moindre faiblesse ? La fermeté dans la réponse est attendue par nos concitoyens, dans le respect des droits fondamentaux. Nous sommes loin des lois liberticides que nous avons connues dans le passé. L’État de droit consiste à sauvegarder les droits fondamentaux ; l’état de faiblesse consisterait à ne pas prendre les mesures de sécurité nécessaires, dans le respect de ces droits.

Si l’état d’urgence était maintenu en considération d’une situation toujours aussi grave, faudrait-il modifier le cadre juridique actuel ?

Je le considère suffisant. On peut s’interroger: ne serait-il pas préférable, en matière de perquisitions, que celles-ci soient autorisées par le procureur de la République plutôt que par les ­préfets ? Une autorisation a priori serait sans doute préférable à un contrôle a posteriori. 

Mais il s’agit aujourd’hui de la vie et de la mort de nos concitoyens. Nous n’avons pas assez relevé la fascination de la mort chez ces terroristes, qu’ils la donnent aux autres ou qu’ils se l’infligent à eux-mêmes. Pensez au cri fasciste pendant la guerre civile en Espagne « E viva la muerte ! ». C’est la devise des terroristes. 

 

Propos recueillis par LAURENT GREILSAMER

 

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