Le général de Gaulle l’avait dit en son temps : au club des nations, il existe autant d’égoïsmes que de membres inscrits. Le récent aller-retour d’Angela Merkel à Istanbul propose une nouvelle illustration de cette formule frappée au coin du réalisme. Pour endiguer à tout prix l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne qu’elle a impru­demment amplifiée par ses déclarations, la chancelière remet dans le jeu le président Erdogan, en dépit de ses écarts ­coupables en matière de respect des droits de l’homme en général, des droits des Kurdes en particulier. De la même manière que les Occidentaux ont dû avaler la couleuvre du maintien en place de Bachar al-Assad en Syrie pour se concentrer contre le ­monstrueux État islamique, Berlin s’est avancé auprès d’un Erdogan trop heureux de dicter ses conditions à l’Union européenne. Non content d’obtenir la promesse de recevoir 3 milliards d’euros pour faire face à l’afflux de réfugiés syriens sur son territoire, le chef de l’État turc a reçu un autre engagement de Mme Merkel : que soient rouverts les six chapitres concernant l’adhésion de son pays à l’UE. On pourra arguer que la chose est loin d’être faite – le début du processus remonte à près de trente ans – mais le trouble existe. Au nom de qui la chancelière allemande s’est-elle ­risquée à cette marche turque en forme de cavalier seul ? Au nom des Anglais, des Espagnols et des Italiens qui sont plutôt pour ? Au nom des Français qui sont plutôt contre ? Ou au nom de l’Europe qui n’a plus de nom quand il s’agit de décider en son nom ? 

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