L’ancêtre des Nations unies, la Société des nations (SDN), avait trouvé son plus brillant contempteur avec l’écrivain Albert Cohen. Dans Belle du Seigneur, Adrien Deume, haut fonctionnaire de l’organisation, passe l’essentiel de ses journées à tailler ses crayons. L’immense succès du roman a fini par imposer cette image qui englobe aujourd’hui l’ONU. Dans le dictionnaire contemporain des idées reçues, les Nations unies constituent l’archétype de la machine à gaz inefficace et on se plaît à citer la formule méprisante du général de Gaulle : « Le machin qu’on appelle l’ONU… » C’était lors d’un discours à Nantes, le 10 septembre 1960. C’était un propos de circonstance pour justifier le refus français de participer aux frais de l’expédition de Casques bleus au Congo. C’était surtout durant les « événements d’Algérie » et le général ne supportait ni les remontrances de l’ONU ni l’hostilité des pays ­africains et asiatiques dans l’enceinte de ­l’assemblée générale. Quatre ans plus tard, de Gaulle changeait de discours. L’affaire algérienne était réglée, la décolonisation achevée. L’ONU l’intéressait à nouveau. La France « continue de fonder de grands espoirs sur son avenir », assura-t-il. Mais le souvenir d’un mot, la force du préjugé auquel il se combine sont tels que nous considérons encore l’ONU comme un « machin », oubliant au passage le rôle du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), de la Food and Agriculture Organization (FAO), etc. Sept décennies après sa fondation, il serait temps de mettre nos pendules à l’heure… 

 

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