Autrefois, les étrangers parlaient tout bas. Ils chuchotaient comme dans une église. Ils ne voulaient pas attirer l’attention et baissaient le ton dans la rue, le métro, les magasins. Nous étions tous des étrangers car, en voyage, instinctivement, nous adoptions aussi ce réflexe de parler bas. C’était vrai à Londres, à Munich, à Vienne et à Barcelone… À Venise même, nous prenions des précautions. Le meilleur passeport, c’était bien de ne pas se faire remarquer.

Les temps ont changé. Les frontières et les complexes sont tombés. Partout les étrangers parlent à voix haute. Dans le métro, nous pouvons suivre l’échange d’un groupe de touristes anglais sans la moindre difficulté en dépit des cahots. Il arrive d’ailleurs que nous nous mêlions à la conversation ϑ. Dans la rue, des Italiens s’interpellent avec naturel ; de jeunes collégiens allemands cherchent leur chemin et chahutent ; des touristes de l’Est échangent leurs impressions. J’essaye de reconnaître leur langue. Baltes ? Polonais ? Je donne ma langue au chat.

Des étrangers ? Le terme semble presque déplacé. Étrangers, ils l’étaient ! Ils ne le sont plus. Et sans doute est-ce pourquoi ils parlent d’un ton libre, comme chez eux, de même que nous ne nous gênons plus, chez eux, pour parler comme chez nous… Ce chez-eux-chez-nous est un nouvel espace, une maison commune pleine de voisins. C’est de l’ordre de l’évidence. Enfin, pas pour tout le monde…

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