Un banquier français, établi au Panama mais retiré des affaires, a accepté de nous parler sous couvert d’anonymat. Il expose un point de vue à contre-courant sur la finance du pays.

Quelles sont les principales caractéristiques du système financier local ? 

Il est fondé sur le dollar, dispose d’un secret bancaire très garanti et de bonnes structures financières – fondations, trusts, etc. Panama n’est pas un centre financier inter­national mais régional. Ni la BNP, ni la Société générale, ni Bank of America, ni JPMorgan ne disposent d’un siège au Panama. Seuls UBS et le Crédit suisse y ont gardé une représentation. Les banques étrangères présentes sont brésiliennes, équatoriennes, colombiennes… 

Le GAFI (Groupe d’action financière) et l’OCDE pointent le Panama comme l’un des paradis fiscaux les plus opaques de la planète. Mais Panama récuse la caractérisation de paradis fiscal. Pourquoi ?

Parce qu’elle est fausse ! Le seul domaine sur lequel on ne paye pas d’impôts, c’est les revenus offshore, supposés devoir être déclarés par leur détenteur dans son pays de résidence. Si Panama est un paradis fiscal, comment expliquer qu’il ait signé un grand nombre d’accords pour éviter la double imposition avec d’autres pays, dont la France ? Sur le plan fiscal, Panama ne diffère pas de la Belgique. Bien sûr, comme la Suisse, le Panama a développé beaucoup d’activités opaques. Mais toute juridiction internationale peut désormais obtenir les informations qu’elle requiert. Ce que le Panama se refuse à faire, c’est délivrer systématiquement toutes les informations sur les comptes ouverts sur son territoire. Il ne le fait que sur requête circonstanciée. Les États-Unis font la même chose !

L’universitaire panaméen Miguel Antonio Bernal dénonce une croissance locale « bâtie sur la corruption et le blanchiment ». Il cite en particulier l’immobilier et l’ouverture annuelle de 20 000 nouveaux comptes offshore défiscalisés par le biais de prête-noms.

Ce chiffre me paraît très exagéré. Ensuite, le boum immobilier est une affaire dépassée. Ce qui a eu lieu au Panama n’était pas différent de ce que la Côte d’Azur a connu avec les oligarques russes. Panama est un lieu rêvé pour se retirer. Il y a de la corruption ? Oui, un peu, comme dans pas mal d’autres endroits. Depuis dix-huit mois, les autorités mènent une action assez déterminée. Un président de la Cour suprême et d’anciens ministres sont aujourd’hui emprisonnés, un ex-président encourt un ­procès. On assiste à un nettoyage important. 

Propos recueillis par SYLVAIN CYPEL

 

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