Certains observateurs des marchés financiers mondiaux agitent la sonnette d’alarme. Selon eux, nous n’aurions rien appris des crises financières de 2000-2003 et 2008-2009, qui ont pourtant durement secoué l’économie dite « réelle » : faillites d’entreprises et de ménages, finances publiques (nationales et locales) menacées, chômage. Pour preuve, les transactions financières continuent leur équipée sauvage : l’économiste autrichien Stephan Schulmeister, réunissant des données produites par la Banque des règlements internationaux et par la Fédération des Bourses mondiales, montre que, depuis le début des années 1990, les volumes échangés sur les marchés financiers ont crû en Europe chaque année 10 % plus rapidement que les richesses produites – telles que mesurées par le produit intérieur brut (PIB). En d’autres termes, si la masse des transactions financières équivalait seulement à 17 fois le PIB européen en 1992, elle s’élève à 119 fois le PIB en 2013 – sans que les crises financières aient aucunement perturbé cette envolée. Chaque jour en 2013, plus 5 300 milliards de dollars étaient échangés en devises sur le marché des changes. Presque 2 millions de milliards par an, soit 25 fois le PIB mondial cette année-là !

Ces observateurs posent alors une question dérangeante : cette dérive des marchés financiers hors de l’économie réelle est-elle soutenable ? La finance peut-elle croître plus vite que le monde matériel, sonnant et trébuchant, qu’elle est censée servir ? De ce point de vue, les Bourses apparaissent moins déraisonnables en Asie et en Amérique que sous nos latitudes : après s’être développées très rapidement jusqu’en 2007, elles ont stoppé leur progression, voire ont très sensiblement régressé pour les secondes. Le volume des transactions financières n’y dépasse pas 80 fois le PIB. 

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