Longtemps, j’ai cru être inscrit à un club sportif. Il fallait être endurant, supporter les privations de sommeil, et accessoirement très débrouillard pour être accepté parmi les membres. Cela ne figurait pas au règlement, c’était tacite. Le jeune reporter était un chien fou qui partait partout et tout le temps dans un réflexe d’aventure et une volonté d’élucidation. Journaliste, ce n’était pas un métier ; c’était une passion. On couchait dans des hôtels sordides ou des palaces, dans des voitures de location ou par terre dans le recoin d’un aéroport. Un solide entraînement nous permettait d’échapper aux cocktails Molotov et aux balles, d’esquiver les traquenards. 

Puis les décennies passant, j’ai refermé la porte du club de sport. Finis les voyages. La salle de rédaction est devenue mon carré de prédilection avec des allures de club anglais. Plaisir de lire la presse les pieds sur le bureau, de parler avec les confrères, de refaire le monde dans une université de papier ouverte jour et nuit. L’écriture s’est éloignée, remplacée par la relecture. La satisfaction de « fabriquer » un journal s’est substituée à la drogue du reportage. Place au management : « Tu partirais pas à Panama ? »

Peut-on vraiment parler de travail ? Trimer, stresser, douter, admirer ? Oui. Être pressé comme un citron consentant. Trois fois oui. Envoyé spécial en lévitation, expédié urbi et orbi comme une balle de ping-pong, et en redemander : ce fut cela mon métier. Un privilège.  

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