« Certes le cinéma est de la même famille que les dessins rupestres des Eyzies, d’Altamira et de Lascaux, des griffonnages d’enfants, des fresques de Michel-Ange, des représentations sacrées et profanes, des mythes, légendes et littérature... Mais jamais à ce point incarnés dans le monde lui-même, jamais à ce point aux prises avec la réalité naturelle. C’est pourquoi il a fallu attendre le cinéma pour que les processus imaginaires soient extériorisés aussi originalement et totalement. Nous pouvons enfin “visualiser nos rêves” parce qu’ils se sont jetés sur la matière réelle. Enfin, pour la première fois (…), ils sont fabriqués industriellement, partagés collectivement. Ils reviennent sur notre vie éveillée pour la modeler, nous apprendre à vivre ou ne pas vivre. Nous les réassimilons, socialisés, utiles, ou bien ils se perdent en nous, nous nous perdons en eux. Les voilà, ectoplasmes emmagasinés, corps astraux qui se nourrissent de nos personnes et nous nourrissent, archives d’âme... »

Le Cinéma ou l’homme imaginaire, Éditions de Minuit, 1956

 

 

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