La confusion entre le sens des deux verbes « enseigner » et « apprendre » est à la source de l’organisation, des programmes, des modalités et même de l’architecture des bâtiments de l’école. Pour l’enseignant, l’enseigné est né ignorant et incapable, et sans enseignement, il le restera.

La réalité de l’apprentissage est tout autre. L’enfant apprend : il apprend partout et tout le temps. Il choisit le « sujet » de son apprentissage dans un ordre et une intensité en adéquation avec les besoins qu’il ressent. Il voit des gens marcher et parler, il commence à marcher puis à parler (parfois plusieurs langues en parallèle), il voit les gens lire, écrire, avoir des activités diverses et variées. En fonction de ses goûts qui se développent petit à petit, il choisira d’imiter son entourage et ainsi d’être en équilibre avec ses besoins et ceux de la société.

Le paradigme de l’enseignement a conduit à la création d’un lieu et d’un temps qui lui sont propres, aussi bien que de sujets à enseigner. Les modalités de contrôle de cet enseignement ont donné naissance aux notes et aux classements, qui ont eux-mêmes abouti à un sentiment de pénurie : il n’y en aura pas pour tout le monde, seuls ceux qui réussiront l’école auront accès aux connaissances et donc au travail, au salaire et au pouvoir.

L’opposition entre ces deux points de vue a peu à peu créé une société chroniquement insatisfaite, cherchant à combler son insatisfaction intérieure avec des gratifications extérieures. L’école dépouille l’apprentissage de la satisfaction naturelle qu’on en éprouve, et transmet implicitement l’idée qu’on doit mener une course que d’autres ont choisie pour nous.

Par ironie du sort, l’école d’aujourd’hui se donne comme mission le développement de l’esprit critique et de l’égalité des chances, alors que, intrinsèquement, elle contribue aux blocages et aux inégalités dans notre société.

À l’inverse, les valeurs de base de l’apprentissage autonome sont la confiance, la patience et la disponi­bilité. Contrairement à l’école qui mesure et impose – ce qui détruit la confiance en soi –, le parent essaie de préserver cette confiance en n’ayant pas d’attentes : il laisse l’enfant apprendre ce qu’il veut quand il veut. Il souhaite être présent et disponible pour accompagner l’enfant selon ses motivations du moment.

Cette approche peut se pratiquer en dehors de l’école mais aussi en son sein, pourvu qu’on abandonne notes, classements, niveaux, matières, classes d’âge, attentes, promesses. Certains l’ont fait avec succès, d’autres se lancent comme l’École dynamique qui démarrera en septembre à Paris. Il s’agit d’une école moderne sur le modèle américain de Sudbury (Massachusetts) où les jeunes sont responsables de leur apprentissage : il y a un lieu, le fonctionnement est « démocratique » (jeunes et adultes sont égaux), mais il n’y a ni temps ni sujet imposé. Les jeunes de 3 à 20 ans participent à des activités qu’ils ont choisies, et des moins jeunes sont là en tant que facilitateurs pour aider à trouver une réponse quand une question se pose.  

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