Il me paraît tout a fait inutile de maintenir le latin et le grec dans le secondaire, vu qu’après le baccalauréat, les bacheliers sont incapables de lire ne serait-ce que quelques lignes de textes antiques. Même un agrégé ne lit pas couramment les œuvres d’Horace. En revanche, il me paraît capital de faire découvrir aux collégiens et aux lycéens les grands auteurs antiques, mais en traduction française : quelques chants d’Homère, l’Antigone de Sophocle, les Bucoliques de Virgile, les livres les plus noirs de l’historien Tacite. De même est-il impensable à mes yeux que tout lycéen n’ait pas connu Britannicus ou la Phèdre de Racine, Les Fleurs du mal, les poèmes de Hugo, un grand roman de Balzac ou bien Madame Bovary. Il est essentiel que l’on ouvre à tous, et en particulier aux enfants du peuple dont la famille est inculte, ce qui est la grande culture. Il faut leur enseigner ce qui a des chances d’intéresser plus tard quelques-uns d’entre eux, et non ce qui les intéresse pour l’instant. L’école n’est pas un lieu de plaisir mais d’effort.

La gauche s’excite sur l’idéal négatif de ne pas réserver l’enseignement aux héritiers. Le vrai idéal devrait être celui-ci : donner à tous les élèves la possibilité, l’occasion et la chance de découvrir les choses élevées de la culture, pour peut-être pouvoir l’aimer une fois adulte. À mes yeux, le grand mot d’un programme éducatif est de donner à tous « les chances de ». Non pas de lutter contre les inégalités de départ, mais donner à chacun des chances de développer son propre avenir culturel. Saint Thomas d’Aquin, ce grand penseur de gauche, disait que la vie en société avait pour but de permettre à ses membres de développer leurs possibilités, de les faire passer de la puissance à la réalité. Au contraire un penseur de droite me confiait un jour : à quoi bon croire Bourdieu et Passeron (sociologues, auteurs de La Reproduction, Minuit, 1970) et dépenser des sommes immenses pour l’enseignement, alors qu’il existe une classe sociale aisée qui fournit gratuitement des rejetons éduqués dans leur famille, aptes à remplir les grandes tâches ? Inutile de dire que je suis opposé à cette vision-là… 

 

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