Qui dénoncer ? Contre qui s’indigner ? Comment exprimer notre colère et évacuer notre mauvaise conscience chaque fois que survient un drame collectif en Méditerranée ? Heureusement, il y a les passeurs (jamais les passeuses…), ces horribles personnages, qui rançonnent les migrants, les violentent, les forcent à monter dans des rafiots pourris, quand ils ne les abandonnent pas en mer. Qu’on les arrête ! Qu’on les désarme ! Qu’on leur inflige les sanctions qu’ils méritent et les mette définitivement hors d’état de nuire ! Ne devraient-ils pas être poursuivis aussi pour usurpation de nom ? Car le mot « passeur » est associé dans notre esprit à de tout autres choses.

Ne parlons même pas du footballeur qui, au lieu de garder le ballon, l’envoie exactement dans les pieds d’un camarade, lui laissant le privilège de marquer le but.

Songeons au passeur d’eau, rescapé d’un monde évanoui, qui fait paisiblement la navette, d’une rive à l’autre, sur son bac.

Souvenons-nous du passeur héroïque, qui, au risque de sa vie, faisait franchir la ligne de démarcation à des résistants.

N’oublions pas surtout ces hommes et ces femmes qui font le lien entre les gens, les sociétés ou les époques : des traducteurs, des anthropologues, des historiens, des philosophes, des artistes… Ce ne sont pas seulement des intermédiaires ou des médiateurs, mais des traits d’union. Avec admiration et reconnaissance, on les appelle passeurs de mots, passeurs de vérités, de savoirs, de cultures, de mémoire… et même « passeurs d’avenir ». De ces passeurs-là, peut-on se passer ? 

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