Maintenant que vous êtes arrivé en quatrième page de notre feuille, surtout ne filez pas à l’anglaise ! Arrêtez-vous plutôt avec moi sur cette drôle d’expression prisée par nos voisins d’outre-Manche. Ces derniers nous rendent la politesse, ou plutôt l’impolitesse, en traduisant « filer à l’anglaise » par « to take French leave », autrement dit « fuir à la française ». Une variante un tantinet shocking, n’est-il pas ? Et ce n’est pas fini. Voici que l’expression à première vue anodine aurait de quoi motiver la tenue en urgence d’un congrès de Vienne ou d’un nouveau Yalta. Imaginez que l’Allemagne et la Grèce se réconcilient sur notre dos et adoptent « filer à la française », comme d’ailleurs les Espagnols, les Portugais et les Brésiliens (« Sair à francesa »). Heureusement, à ce jeu-là, nous comptons comme amis les Russes et les Polonais – eux aussi étrangement réunis pour la même cause –, avec les Roumains et les Italiens, adeptes du « filer à l’anglaise ». Si vous vous promenez sur le site expressio.fr ou sur le blog des pros qui soignent leurs écrits (redactevent.fr), vous apprendrez que les Américains ont choisi pour victimes les Hollandais : « to take Dutch leave »… Tandis que nos amis belges, observant une prudente neutralité, s’en tiennent à un « sans tambour ni trompette » de bon aloi qui ne vise personne. Il se murmure aussi que « filer à l’anglaise » viendrait du verbe ancien anglaiser, synonyme de voler. Allez, bye bye ! je file comme un voleur avant que cette chronique ne file un mauvais coton. 

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