Chaque minute, chaque seconde, quelqu’un, quelque part dans la ville, participe au grand cycle ordinaire : on mange, on digère et on se libère. Autrement dit, nous « métabolisons », c’est-à-dire que dans les cellules de chacun de nous se déroulent des processus vitaux qui entraînent la transformation de la nourriture. Et parce que chacun de nous métabolise, les villes aussi métabolisent ! 

Les repas que nous absorbons ne sont que la partie émergée de l’iceberg de ce métabolisme urbain. Comme les individus, les villes dépendent d’un flux continu de ressources importées, dont la nourriture, l’eau, les matériaux (matériaux de construction, téléphones portables, tissus, etc.) et bien sûr les combustibles, qui répondent à nos besoins en électricité. Comme nous, les villes utilisent ces ressources et les transforment en déchets tels le dioxyde de carbone, la boue de vidange, la pollution des fleuves ou les déchets solides déposés dans d’immenses décharges. 

La reconnaissance de ce métabolisme sociétal et l’utilisation de cette métaphore remontent à Karl Marx. L’idée connaît un regain d’intérêt à partir des années 1960 avec la première description du « métabolisme des villes » (A. Wolman, « The Metabolism of Cities », Scientific American, vol. 213). Depuis, de nombreuses études ont été consacrées au sujet. Mais il y a peu, notre perception de ce métabolisme urbain a changé ! Plutôt qu’à des organismes, les villes sont de plus en plus comparées à des écosystèmes. En écologie, les écosystèmes sont des réseaux d’espèces diverses qui interagissent étroitement pour optimiser l’efficacité de l’utilisation d’énergie, d’eau et de substances nutritives. Dans de nombreux cas, les écosystèmes se caractérisent par des relations de très forte complémentarité, voire de symbiose, qui permettent de maintenir une recirculation continuelle des ressources profitables. 

Les technologies modernes nous permettent aujourd’hui de regarder de plus près le processus qu’on qualifie souvent de « métabolisme urbain circulaire ». Prenons l’exemple des eaux usées produites en grande quantité par les villes : il est maintenant possible d’en tirer de l’énergie, d’y récupérer un certain nombre d’éléments nutritifs, comme le phosphore, qui servent ensuite à produire des bioplastiques ou des matériaux de construction. Cependant, nous sommes loin de saisir dans sa complexité le métabolisme urbain ; une connaissance détaillée de la dynamique de ce métabolisme nous fait défaut. En d’autres termes, nous ne savons précisément ni où ni quand les ressources sont métabolisées, ni quels « déchets » représentent des ressources gratuites, ni quelles personnes ou entités pourraient être intéressées par leur utilisation. 

Pour obtenir les éléments indispensables à une compréhension du métabolisme des villes, il faudrait rendre celles-ci plus intelligentes : l’idée est que l’information devienne disponible en temps réel et gratuitement afin que les ressources en « déchets » produites par une ville puissent être exploitées par ceux qui y attachent de la valeur. Les progrès des technologies de l’information, en particulier le perfectionnement des outils de gestion et de contrôle à distance des ressources comme la nourriture, l’eau et l’énergie, devraient ­permettre de comprendre le méta­bolisme des villes en action. 

Traduit de l’anglais parCHARLOTTE GARSON

 

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