Il n’y a pas si longtemps, on nous disait que, « sur le marché de New York », le baril de pétrole avait « atteint la barre symbolique » des 100, 110 ou 120 dollars. Puis, nous apprenions qu’il passait « sous la barre symbolique » des 70, 60 ou 50 dollars. 

Imaginez un marché, avec ses étals, ses montagnes de fruits et de légumes, ses parfums de fromage et de poisson… Soudain, un baril ventripotent se place sur la ligne de départ. Les vendeurs à la criée se taisent, les ménagères posent leur cabas. Un coup de sifflet retentit. Le baril s’élance. Tout le monde retient son souffle. Ça y est, il a réussi à passer au-dessus (ou en dessous) de la barre symbolique, tendue entre deux derricks gradués ! Émotion, applaudissements.

Non, il paraît que le baril n’est pas une barrique transportant de l’or noir, mais un simple instrument de mesure, d’une capacité de 158,987 litres. Quant à la fameuse barre, inutile de la chercher : elle ne symbolise que le manque d’imagination – ou de vocabulaire – des « observateurs ». 

Au baril, on me permettra de préférer le bidon, plus modeste et plus concret. Il en faut quelques-uns pour remplir le réservoir de ma voiture, ce tonneau des Danaïdes. Aujourd’hui, je roule des mécaniques : avec un litre à moins de 1,40 euros, je suis le roi du pétrole. Mais demain ? Les prix baissent, les prix montent. Étourdis par ce yoyo, les gérants de stations-­service commencent à perdre le sens des réalités : je les vois marcher à côté de leurs pompes. Ils se demandent si, là-haut, chez les maîtres de l’univers, il y a vraiment quelqu’un à la barre. 

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