Voici une question bien ­singulière par le singulier qu’elle emploie… à quoi pense la droite ?

Comme si une seule et unique droite pouvait expliquer, au lendemain des départementales, la présence de tou(s) ce(s) bleu(s) couvrant désormais le visage autrefois rose de notre pays. À l’étendue des ecchymoses, il est aisé de comprendre que ce sont plusieurs « droites » que la gauche a reçues en plein visage et qu’elles ont été aussi nombreuses que les candidats partis en campagne pour la représenter.

Répondre à la question « À quoi pense la droite ? » revient donc à expliquer « À quoi pensent toutes les personnes de droite ? ». 

Car malgré ce qu’on en dit, les gens de droite sont avant tout des personnes, des êtres humains.

Dotés d’un langage articulé et dressés sur leurs deux membres postérieurs (donc bipèdes), les représentants de droite sont en effet munis, comme les gens de gauche, de mains préhensiles avec pouce opposable qui leur permettent d’attraper des objets (comme des bulletins de vote, des tracts et, pour les mieux placés d’entre eux, des micros).

Le volume de leur boîte crânienne est compris entre 1 400 et 1 600 cm3, et la structure complexe de leur encéphale atteste de grandes aptitudes intellectuelles. 

Les personnes de droite montrent des capacités cognitives très riches par leur diversité : ils communiquent et plaisantent avec leurs congénères, ils sont à même d’éprouver et transmettre des émotions, ils élaborent des stratégies de conquête et utilisent pour cela la séduction comme le mensonge… exactement comme les gens de gauche. 

La similarité entre « gens de droite » et « gens de gauche » est telle que, pour les distinguer, l’électorat ne peut parfois se fier qu’à la position des protagonistes dans l’hémicycle.

Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre certains électeurs dire d’un homme politique de droite qu’il ressemble étrangement à un homme politique de gauche assis à droite, et inversement. 

Pourtant à l’origine, une structure identitaire propre à la droite avait pu être précisément décrite, comme l’esquisse d’un ADN (acide désoxyribonicolassarkozique) commun, marqueur de paternité politique. 

Conservatisme, libéralisme et défense des responsabilités individuelles aux dépens d’une responsabilité collective : ces traits de caractère propres aux gens de droite permettaient de les distinguer de façon binaire de leurs homologues de gauche. 

Mais des accidents génétiques récents – hybridations ou mutations – ont bouleversé ce clivage originel : la barrière autrefois opaque qui séparait les deux partis est devenue poreuse. 

Récemment dépossédée par la gauche d’une partie de son libéralisme, la droite s’est adonnée par exemple de façon surprenante à la réalisation de cortèges bruyants à visée protestataire (pourtant originellement typiques des pratiques gauchistes).

Par l’organisation de la « Manif pour tous », du « Jour de colère » ou de la protestation des « Bonnets rouges », la droite a su montrer avec un certain talent que le port du serre-tête chez les femmes n’est pas incompatible avec une démarche « anti­système », et que le rouge autrefois emblématique de la classe ouvrière sait désormais très bien agrémenter les bonnets des hauts patrons de l’agroalimentaire breton…

Mais devant une telle confusion, quels repères restent-ils aux électeurs désireux de se positionner à la faveur d’engagements stables ? Si ce n’est leurs propres ­engagements.

Puisque la gauche devient la droite, puisque la droite devient la gauche, difficile de se demander en effet à quoi elles pensent… Aussi, le plus judicieux n’est-il pas de se poser la question : et nous, qu’en pensons-nous ? 

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