C’était un temps où la gauche rêvait déjà d’union. Les acteurs s’appelaient Mitterrand et Marchais. Mitterrand était pour Mitterrand. Marchais était contre le marché. Les deux hommes, entourés de leur garde rapprochée – Mauroy et Defferre pour l’un, l’intellectuel Jean Kanapa et le patron de L’Huma, Roland Leroy, pour l’autre –, se retrouvaient place du Colonel-Fabien à la recherche d’un trésor introuvable : le compromis. Les protagonistes parlaient institutions, nationalisations, libertés publiques. « Vous voulez notre chemise ! » protestait le secrétaire général du PC. Mitterrand restait stoïque, lèvres pincées. Il la rêvait, cette Union de la gauche, condition à ses yeux indispensable pour conquérir le pouvoir, quitte à faire plus tard le « baiser de la mort » à l’allié communiste. « Un torchon de papier », cingla Michel Rocard en découvrant la prose du Programme commun. « Un cercle carré », écrivit Raymond Aron dans les colonnes du Figaro. Et de préciser son doute géométrique par cette question : «  Le gouvernement socialiste-communiste aurait-il une chance quelconque d’obtenir un taux de croissance plus élevé que le taux actuel tout en augmentant les charges des entreprises, en réduisant la durée du travail ? » Racontée par Michel Winock dans son Mitterrand, cette période résonne de mille échos. À commencer par cette évidence : quels que soient les acteurs et l’époque, le cercle carré de l’union de la gauche n’a jamais tourné très rond. 

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