« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », disait Winston Churchill. Ce bel exemple d’humour britannique résume l’ambivalence de ces chiffres qui s’invitent dans tous les débats et qui sont régulièrement objets de soupçons : les chiffres peuvent être vrais, mais seraient manipulés à des fins politiques.

Prenons les chiffres du chômage par exemple. L’Insee comptabilise 2,9 millions de chômeurs au quatrième trimestre 2014 en France métropolitaine, soit un taux de chômage à 10,0 %. Certains accusent ces chiffres de sous-estimer la réalité : il suffit qu’un demandeur d’emploi ait dans la semaine fait une heure de petit boulot ou suivi un quart de journée de formation pour qu’il ne soit pas comptabilisé comme chômeur cette semaine-là. D’après l’Insee, cette situation concerne 1,4 million de personnes. De « vrais » chiffres du chômage ne devraient-ils pas également les recenser ? D’autres disent au contraire que les chiffres du chômage sont surévalués : de nombreux chômeurs ne seraient pas vraiment en recherche active d’emploi et ne mériteraient donc pas de figurer dans ces statistiques. De « vrais » chiffres ne devraient-ils pas les décompter ?

Il suffit de regarder sérieusement cette réalité du chômage pour comprendre la très grande hétérogénéité des situations réelles rencontrées. Quelle que soit la définition du chômage retenue, elle ne permettra jamais de couvrir tous les cas de figure ni de répondre à toutes les attentes. De ce point de vue, il ne peut exister un vrai chiffre du chômage, seulement une multitude d’indicateurs permettant d’appréhender cette réalité complexe. Au fond, la qualité d’une statistique s’évalue moins à l’aune d’une quelconque véracité illusoire, que selon la clarté de sa définition, la transparence de sa production et sa stabilité dans le temps (autorisant un suivi). À condition d’avoir été fabriqués avec honnêteté, les chiffres ne mentent pas, ils ne font que refléter avec entêtement la parcelle de réalité à laquelle ils ont été arrimés.  

Vous avez aimé ? Partagez-le !