Depuis une vingtaine d’années, sous prétexte de valoriser l’engagement citoyen, le secteur associatif a servi de laboratoire d’expérimentations de nouvelles formes de contrats. Ces expériences ont pour conséquence d’inciter les employeurs associatifs à gérer les ressources humaines à la limite du droit du travail, voire parfois en dépassant ces limites. Tout ceci provoque une « précarisation » et un malaise dans un secteur représentant plus de 1,8 million d’emplois au niveau national.

Les contrats de volontariat en service civique ont rapidement succombé à un risque identifié de longue date : pour pallier une incapacité à payer des salaires, quantité d’associations les utilisent et bénéficient ainsi de travailleurs à très bas coût. 40 % des volontaires sont en réalité des jeunes, plutôt diplômés – voire très diplômés –, à la recherche d’un emploi et acceptant des contrats de service civique en désespoir de cause. Depuis sa création, le service civique a donc été détourné de son objectif qui était d’attirer des jeunes en difficulté, en décrochage scolaire ou peu diplômés. Trop souvent, les jeunes qui nous contactent choisissent le service civique par défaut et non par volonté d’engagement.

Le président François Hollande en fait son cheval de bataille pour remettre les jeunes dans le droit chemin de la citoyenneté : il prend le risque d’amplifier un problème déjà existant, les abus de service civique. 30 % des associations accueillant des volontaires (sur seulement 20 % contrôlées) ont abusé du dispositif de service civique et se sont vues retirer leur agrément. Terrible aveu ! De son côté, la Cour des comptes met en garde contre de possibles substitutions d’emplois.

Ces contrats présentent tous les inconvénients : ils ne sont pas reconnus par le droit du travail ; l’indemnité est ridiculement basse ; le volontaire ne cotise pas aux caisses d’assurance chômage ; l’expérience qu’il acquiert n’est pas considérée comme une expérience professionnelle ; et les missions qu’on lui confie ressemblent très étrangement à celles d’un employé.

Un autre aspect non négligeable du service civique pour un employeur associatif est son coût, ou plutôt son absence de coût : selon que l’association a reçu l’agrément et accueille un volontaire, ou qu’elle passe par une autre association ayant l’agrément, le coût sera de 0 à 100 euros. Autant dire que l’accueil d’un volontaire est quasi gratuit. À titre de comparaison, un stagiaire coûte 436 euros par mois pour les stages de plus de 2 mois.

Un tel dispositif augmente le risque qu’un employeur associatif recoure à un volontaire en service civique plutôt qu’à l’embauche d’un salarié, à la formation d’un étudiant ou d’un apprenti. Ces dérives risquent de s’accélérer si, comme François Hollande a annoncé l’espérer début mars, le nombre de volontaires s’élève à plus de 150 000 d’ici 2017 grâce au déblocage de 80 millions d’euros (qui proviendront certainement de fonds normalement dédiés au financement de projets associatifs). Et l’obligation serait susceptible d’entraîner encore davantage d’abus.
Les services civiques doivent à nos yeux être véritablement intégrés au droit du travail, à une législation qui soit vraiment protectrice pour les volontaires, et aussi pour les salariés qui voient leurs emplois menacés par cette main-d’œuvre bon marché. 

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