Qu’est-ce qui fait la singularité française ?

Bonne question, mais se la poser n’est-ce pas déjà une réponse ? N’est pas une interrogation typiquement française ?

Comme le note malicieusement Robert Solé dans ce numéro du 1, les Français cultivent les paradoxes.

 

Tout d’abord, avouons que le Français se considère à certain égard et parfois à bon droit unique et extraordinaire, au sens étymologique du mot bien entendu. Chacun trouvera des exemples à foison qu’il soit Français ou étranger.

Parallèlement, si l’introduction du concept d’individu fût introduit par le christianisme : « il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme : car vous n’êtes tous qu’une seule personne dans le Christ Jésus » (Saint-Paul), c’est la philosophie des Lumières française qui fût porteuse d’une vision de l’homme universaliste qui s’est incarnée dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Voici un de nos paradoxes et non des moindres. Quoique : n’est-ce pas en déclarant tous les hommes égaux qu’on démontre sa supériorité ? Plus sérieusement, comment intégrer cette double dimension de l’identité française : à la fois coutumière, et pourtant universelle, ouverte par une culture qui élève l’homme ?

 

Deux visions s’opposent : certains se font les hérauts d’un génie national tandis que d’autres défendent une vision universaliste de l’homme.

L’histoire de ces deux visions de l’homme est retracée par Alain Finkielkraut dans « La défaite de la pensée » décriant la victoire des cultures particulières face à la Culture avec un grand C et le relativisme culturel qui abdique à hiérarchiser les idées voire les abandonnent en rase campagne.

 

Les obsessions de cet auteur illustrent le fait que les Français ont déserté les avant-postes sur le plan intellectuel et éprouvent des difficultés à incarner et se projeter dans l’avenir. En témoigne les craintes autour de la muséification de la France en générale et de Paris en particulier ainsi que la tentation du repli sur soi. Notons que paradoxalement ceux qui affirment de la manière la plus virulente la grandeur et l’importance de l’identité française sont ceux qui lui font le moins confiance pour se développer et s’enrichir sans se dénaturer dans un monde ouvert et adoptent par conséquent une position défensive.

 

Cette tension entre l’ambition d’une voix qui porte dans le concert des nations, qui parle au nom de tous pour défendre une pensée universelle et la crainte du déclinisme qui fait flores me semble au cœur du malaise français.

Pour en sortir, il faudrait arriver à une définition de l’identité nationale basée sur des valeurs universalistes ou accepter tout simplement que l’identité française est plurielle et en évolution constante. Un paradoxe, encore un, plus facile à énoncer qu’à dépasser.

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