Il y a un temps pour tout.

Un temps pour pleurer, se retrouver, se rassurer. Pour penser que nous sommes tous des Charlie. 

Un temps pour reprendre conscience, après l’horreur. Pour attendre en silence que les morts aient quitté nos esprits désemparés.

Un temps, ensuite, pour comprendre que si la bannière a réuni tant de monde, c’est qu’il y avait là une offre que l’on ne pouvait pas refuser, qui flattait notre vanité à un point irrésistible. Qui est donc ce Charlie, pour que nous souhaitions lui être solidaires jusqu’à nous identifier à lui ? Prêts à prendre sa place ? Des artistes de génie, courageux, talentueux, conscients des risques qu’ils encouraient. Prêts à les assumer jusqu’au bout. Et je serais Charlie, moi ? J’aurais leurs talents ? Leur courage ? Tiens donc…

Il y a un temps pour dire que je ne suis pas Charlie. Non que je ne le sois pas à la manière de Le Pen, qui salue les douze morts qui étaient ses compatriotes, comme il dit, et pas les autres. Qu’il ôte du lot les trois djihadistes, je le comprends. Mais vingt moins trois, on est encore à dix-sept, pas à douze. Il en manque donc cinq, qu’il considère comme indignes d’être salués. Passons.

Un temps pour se souvenir que Kennedy et son « Ich bin ein Berliner », c’était le président de la première puissance du monde qui se voulait simple citoyen d’une ville déchirée. C’était un acte d’humilité. L’inverse d’une vanité.

Un temps pour s’interroger sur la vanité qui s’est infiltrée dans notre société comme de la poudre de marbre, si fine qu’on ne la voit pas mais qui va partout, précipite et nous rend raides de prétention. 

Un temps pour dire que la France est un pays grand et fort et formidable, mais qu’une terre éclairée doit savoir vivre avec celui qu’elle a fait venir pour vider ses poubelles. Que cet être a mis dans son baluchon ses tabous et ses angoisses. Que ses espoirs diffèrent des nôtres. Que ce qui chez lui nous paraît dépassé, et disons-le, ridicule, fait partie de notre réalité. Et qu’il faut l’aider à s’assumer dans ses croyances, selon les canons de la République. 

Il y a un temps pour dire que former en nombre des imams français qui souscrivent aux valeurs de la France ne serait pas la pire des idées.

Un temps pour rappeler ces mots : Il ne faut jamais blesser les hommes, disait Machiavel. Il faut les caresser ou les occire, car un homme blessé est un animal dangereux.

Il y a enfin un temps pour rappeler que les hommes politiques feront toujours ce qu’ils peuvent pour être élus, mais que le processus démocratique nous permet de leur faire savoir ce que nous attendons d’eux. 

Un temps pour rappeler à François Hollande, qui parle d’unité, que ce mot dit l’unicité, qu’il est le contraire de la pluralité. Que c’est un mot d’exclusion. C’est d’union qu’il faut parler. D’union, qui désigne une entente entre plusieurs. Ce qui est tout autre chose. Et c’est le cœur du problème.

Un temps, enfin, pour dire n’importe quoi. Moi, si j’étais Manuel Valls, je saisirais l’occasion de l’immense émotion du 11 janvier pour proposer au président : Je quitte mes fonctions de Premier ministre. Nommez-moi ministre d’État, ministre de l’Intégration, à la tête d’un grand et vrai ministère. Je l’occuperai de toute ma force et de toute mon expérience. Donnez-moi un vrai budget, à la mesure des enjeux vitaux de notre société. Donnez-moi une feuille de route pour mettre les cinq millions de musulmans de France à niveau sur le plan social et économique avec le reste du pays. Car ainsi et seulement ainsi, nous pourrons résoudre nos problèmes de minorités. Et je me dirais (toujours si j’étais Manuel Valls) : S’il accepte, dans deux ans et demi, je suis élu président de la République les mains dans les poches.  

 

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