L’an prochain à Jérusalem. Cette promesse qu’échangent les juifs du monde entier au premier jour de Pessah (Pâque) m’a toujours intrigué. Comme un rendez-vous secret partagé par les millions d’orphelins d’un paradis perdu. J’entends aussi cette supplique en forme de supplice : « Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite s’oublie elle-même, que ma langue s’attache à mon palais, si je ne me souviens pas de toi, si dans chacune de mes joies je ne t’accorde pas une larme. » Faut-il qu’elle soit puissante et magnétique, aimante et mystique, cette ville sacrée, pour susciter même loin des yeux la ferveur du cœur. N’y étant jamais allé, je ne peux que l’imaginer. Or mon imagination ne parvient pas à assembler Jéru avec Salem. Le nom est unique. Je le vois inique. Le nom est simple et je le vois double. Jérusalem en un mot, en un souffle ? Bien sûr que non : comme le Danube sépare pacifiquement Buda de Pest, un mur, une muraille, un béton de mépris et de haine coupe méchamment la ville en deux. Pas le mur des Lamentations, plutôt le mur des séparations. Et c’est bizarrement cette frontière artificielle qui donne à Jérusalem son vrai visage, une cicatrice qui lézarde la ville, la craquelle, l’enlaidit. Jérusalem hachée menu, pas de quartier dans les quartiers, Dieu reconnaîtra les siens. Je pense au mot de Golda Meir devant le drame d’Israël : trop d’histoire, pas assez de géographie. Trop de Jéru, pas assez de Salem ? 

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