Il est des gens qui disent que la langue s’enlise,
Qu’il n’est français de souche qui la possède en bouche.
On parlera bientôt, à en croire les journaux,
Du français langue morte, on s’inquiète de la sorte,
De la littérature laissée en pâture
Aux gamins des lycées,
C’est de la confiture donnée aux illettrés !

Permettez, braves gens, qu’ils viennent y goûter,
Qu’ils plongent leurs doigts dedans, qu’ils essaient d’essayer,
Vous seriez étonnés de voir ressusciter,
Tirés de leur tombeau, Balzac et Marivaux...

Y’a la langue de Molière dans la bouche du gitan,
Y’a Hugo qui s’vénère pour sauver Jean Valjean.
C’est le bagnard grand frère, qu’est en tôle pour vingt ans,
Faut défoncer Javert, et les keufs de maint’nant.
Y’a Abdelkader qui m’explique calmement
Que ce môssieur Baud’laire, ça s’rait chanmé vraiment
Si seul’ment l’avait l’air de parler en verlan.

Quand elle rentre chez elle pour se prendre sa raclée,
Kenza, la gosse, trouve Cosette à pleurer.
Quand Ali, le bogosse, n’oublie pas son cahier,
Moi j’me dis au moins qu’il pourra dessiner.

Y’a Apollinaire qu’on repeint à l’argot,
Sous le pont Mirabeau passent les RER.
Killian, le malin, me parle de Cyrano,
Pour marquer un point au-dessus du zéro.
Y’en a qu’ont du nez, qui trouvent que Rimbaud
Il est sur le papier aussi fort que Rambo.

Y’a Ilhem qui se tait parce que Voltaire lui cause,
Et Alkassem qu’essaie Ronsard et ses roses :
Eh mignonne, eh poupée, viens donc voir à la pause
Dans la cour de récré si m’embrasser tu oses.
Yogitha, arrête de te balancer ou sinon…
Mais Madame, j’y peux rien, c’est l’effet Villon.

C’est mes mômes, mes gamins, ils m’appellent capitaine,
Ils m’ont un jour appris que le seum c’est la haine.
C’est mes mômes, mes gamins, ça parle approximatif,
Ils m’ont surtout appris qu’aimer c’est transitif.

 

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