La phase 1 du déconfinement est engagée. Est-ce la liberté retrouvée ? Non. Plutôt un état intermédiaire, ambivalent. Les uns marchent à pas comptés, certains préfèrent même rester confinés. Les plus vaillants retrouvent leur rythme d’« avant ». Ceux qui ne l’ont jamais quitté, par obligation, sont fourbus. Le soulagement devrait dominer, c’est l’inverse que l’on constate. La satisfaction se mêle à la crainte, le stress semble l’emporter, parfois la peur. Clivages et fractures composent une France en puzzle. Comme dans ces kaléidoscopes que les enfants tournent entre leurs mains pour faire surgir de nouvelles mosaïques colorées, la carte sanitaire par département est mouvante. Nos humeurs aussi. Aux divisions anciennes, l’épidémie du Covid-19 en ajoute de nouvelles : ceux qui sont en « vert » et ceux qui sont en « rouge » ; ceux qui restent en télétravail et les autres ; ceux qui sortent du confinement bronzés, ceux qui en sortent laminés ; ceux qui ont fait des économies et ceux qui n’ont plus rien ; ceux dont le couple a supporté le choc et ceux qui en sortent brisés.

La défiance, ce mal bien français, fait partie du paysage – encore aggravée par les erreurs de communication de l’exécutif. C’est ainsi que la réouverture progressive des écoles cristallise toutes les crispations et les arrière-pensées du moment entre l’État, les maires, les enseignants et les parents d’élèves. Comme si le dialogue ne pouvait être que dégradé entre la France d’en haut – celle des ministères et de la haute fonction publique – et la France d’en dessous, où se croisent élus locaux, syndicalistes et citoyens. Paradoxalement, ces tensions poussent une grande majorité à rêver d’unité et de concorde. Ce sont 71 % des personnes interrogées qui se déclarent favorables à l’idée d’un gouvernement d’union nationale (sondage IFOP pour La Lettre de l’Expansion). Notre puzzle serait-il en passe d’être reconstitué ? Rêve ou mirage…

L’épidémie nous a en tout cas beaucoup appris. Nous savons mieux que nous ne savons rien, ou assez peu. Le Covid-19 nous tient encore tête. Et nous comprenons davantage, de jour en jour, qu’il est vain de comparer mécaniquement notre politique sanitaire et nos bilans avec ceux des autres pays. Pourquoi l’Afrique s’en sort-elle mieux que l’Europe ? Pourquoi l’Allemagne affiche-t-elle une meilleure mine que ses voisins ? Parce que chaque puzzle a un motif différent. À ce stade, les principaux paramètres de circulation du virus semblent liés au climat et à la densité démographique. Cela n’interdit évidemment pas de s’intéresser aux autres modèles, comme nous le faisons dans ce numéro.

Enfin, le pire n’est jamais sûr ! Si une crise économique et sociale apparaît inévitable, on peut aussi prédire un rebond. Dans l’entretien qu’il nous accorde, Laurent Davezies, grand spécialiste des fractures territoriales, souligne les atouts de la France. Qui a dit qu’un puzzle devait rester épars ? 

 

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