Dans le ciel chinois, l’Empereur de jade règne sans partage. On trouve sous son autorité immédiate les Trois Purs et les ministères qui permettent d’administrer ce monde supérieur. Citons les ministères du Tonnerre, des Eaux, du Temps… et des Épidémies. Le Ciel chinois, dit-on, est un miroir de ce qui se passe sur terre. Nous en avons la confirmation. Depuis maintenant un demi-siècle, nous subissons un nouveau cycle de pandémies, parties principalement d’Asie et d’Afrique, dont ni les États ni les opinions publiques n’ont pris la pleine mesure. Qui se souvient de la grippe de Hong Kong (H3N2) de 1968, qui a fait plus d’un million de morts dans le monde et 40 000 en France ? Ce fut le coup de gong d’une série d’épidémies dont chacune a marqué cruellement nos vies sans qu’on en tire les enseignements : le sida apparu au début des années 1980 et toujours présent (plus de 30 millions de morts), le SRAS surgi fin 2002 – déjà une maladie infectieuse des poumons déclenchée par un coronavirus –, le virus Ebola depuis 2013…

Le Covid-19 s’inscrit dans cette chaîne. Et pour la énième fois, les chercheurs – virologues, biologistes, anthropologues, écologues – soulignent les invariants de ces pandémies. La pression démographique sur des régions jusqu’à présent préservées, la mise en contact de l’homme avec des animaux sauvages porteurs de virus inconnus, la migration de ces virus de l’animal à l’humain, la diffusion mondiale de ces maladies via le plus rapide de nos moyens de transport : l’avion. Un schéma simple et saisissant, décrypté dans ce numéro par l’anthropologue Frédéric Keck et le médecin immunologiste Patrice Debré. Telle est la face sombre de la mondialisation. Mais qui en tient compte ? La population mondiale continue de croître, la déforestation progresse et le trafic aérien connaît une courbe de progression annuelle de l’ordre de 6 %.

Changer nos modes de vie n’est pas la seule solution pour vaincre le Covid-19. Dans le monde entier, les chercheurs travaillent pour mettre au point des tests fiables, trouver un vaccin salvateur, élaborer le médicament efficace. Les outils numériques et l’intelligence artificielle – au prix d’empiétements sur les libertés publiques dans nombre de pays – sont de même convoqués au chevet de l’humanité pour mieux traquer le virus. C’est la preuve d’une prise de conscience générale des dangers encourus. Mais cela ne signe pas encore la volonté de changer nos comportements. Le ministère des Épidémies n’est pas près de fermer… 

 

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