C’est une tente très légère, idéale pour partir camper. On la glisse dans son sac à dos et le soir, après la randonnée, on la ­déplie derrière un rideau d’arbres. Un simple bout de toile, arceaux flexibles intégrés, montage instantané, comme le café. Poids plume, prix modeste. Longtemps, elle a représenté la ­liberté. Son nom exotique, Quechua, faisait rêver.  Et puis ces tentes ont quitté la montagne, déserté les vallées pour gagner les villes. Conçues pour être dressées sur l’herbe ou le sable, elles ont migré sur le bitume. 

Terminus, tout le monde descend ! Elles invitaient au voyage, les voilà comme échouées. On ne voit qu’elles alors qu’on aimerait tellement ne pas les voir. Leur discrétion est devenue ostensible. Une marque de misère, d’abandon et de régression. Car nous savons bien que sous les tentes, il y a des hommes.

Un peuple de sans-dents, de gueux modernes campe sous nos fenêtres, et nous ne savons que faire. Ils survivent dans de micro-bidonvilles mobiles sous les arches du métro aérien, sous les ponts. Ils veillent en somnambules au pied de nos immeubles. La puissance publique laisse faire. La puissance est impuissante. Elle veut faire croire qu’elle garantit les libertés. La liberté de stagner. La liberté de crever comme un réfugié sans refuge. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !