C'était avant-guerre. Avant que la guerre ne soit déclarée au coronavirus, obligeant les Français à modifier leurs comportements. En ce temps-là, les urgences, victimes de leur succès, apparaissaient comme le service le plus malade de l’hôpital public. Ouvertes 24 heures sur 24, on y allait sans avoir besoin de rendez-vous. Aux blessés graves, aux cardiaques en danger de mort, amenés par le Samu ou les pompiers, s’ajoutaient nombre de personnes venues par leurs propres moyens. Parfois simplement parce qu’elles n’avaient pas pu joindre leur médecin, parfois pour obtenir une radiographie ou un scanner qu’elles croyaient gratuits. Mais elles ne tardaient pas à se rendre compte que la salle d’attente méritait bien son nom. « On vous appellera. » Les soignants, débordés, semblaient se barricader derrière une porte à double battant qui ne s’ouvrait que pour se refermer aussitôt. « Urgences » rimait avec « patience ».

Avant le coronavirus, on était invité à ne pas encombrer inutilement ce service. Désormais, il n’est plus question de s’y présenter à sa guise. Des instructions très précises sont données en fonction de la gravité des symptômes constatés. Il y a urgence et urgence. Nous avons un peu de mal à l’admettre dans la mesure où l’accélération générale s’est insinuée dans nos têtes. Un souci, un besoin appellent une réponse immédiate. Nous vivons au rythme de la course folle des livreurs de pizza, en pestant contre un ordinateur qui met plus d’une seconde à s’allumer.

À l’heure du confinement imposé, tout se ralentit. Un autre rapport au temps s’installe. Et l’on découvrira peut-être, malgré mille complications, qu’il est parfois urgent d’attendre. 

 

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