Devenir agriculteur en 2020. Se lancer dans cette vie rude et passionnante à la fois. S’engager corps et âme dans un métier aussi essentiel que décrié. Est-ce bien raisonnable ? Oui, pour de nombreux jeunes qui font le pari que l’avenir, leur avenir, est écrit sur les sillons rectilignes des champs. Des lignes de vie qui ne sont pas toujours des lignes de chance, si on s’en tient aux crises récurrentes qui frappent une profession (trop) souvent montrée du doigt pour ses pratiques polluantes. À y regarder de plus près, ce monde longtemps tenu pour conservateur n’a pas cessé de s’ouvrir. À la modernité – la chimie, à présent sous le feu des critiques, et les nouvelles technologies. Aux demandes contradictoires des marchés et de la société – produire moins cher mais produire écolo. À de nouveaux venus, comme le montre ce numéro du 1 réalisé à la veille du traditionnel Salon de l’agriculture.

« La majorité des jeunes qui s’installent restent des enfants d’agriculteurs, note le sociologue François Purseigle. Mais plus de 30 % de ceux qui bénéficient des aides à l’installation se lancent "hors cadre familial", et ce chiffre n’a jamais été aussi important. » Voilà une réalité nouvelle. « Devenir agriculteur, insiste le chercheur, est de moins en moins une affaire de naissance. » Les fils de paysans, eux, sont priés d’aller voir ailleurs : il y a longtemps que leurs parents les ont incités à suivre des études leur ouvrant d’autres horizons.

Le portrait des nouveaux agriculteurs tient en quelques chiffres : ce sont à 80 % des hommes approchant la trentaine, et un tiers d’entre eux conservent une autre activité professionnelle, comme si avoir les pieds sur terre supposait de les avoir aussi ailleurs… Au-delà de l’attrait pour le bio, ces néophytes éclairés se montrent créatifs pour pouvoir tirer leur épingle du jeu, avec un sens commercial plus aigu que leurs aînés.

Reste un obstacle, de taille : la difficulté pour ces jeunes d’acquérir des terres à exploiter. Dans un contexte ou l’entre-soi et le corporatisme restent forts, on voit heureusement certaines résistances céder au profit de ces « étrangers », grâce notamment à la vigilance des collectivités locales ou aux canaux de l’épargne citoyenne orientés vers l’installation de néoruraux. Des mouvements encore insuffisants alors que gagnent l’artificialisation des sols arables et la course à l’agrandissement des fermes traditionnelles. Le grand partage des terres n’est pas pour demain. 

 

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