Elizabeth Warren, la sénatrice démocrate du Massachusetts, candidate à l’investiture de son parti à l’élection présidentielle de novembre, paraît en perte de vitesse. Pourtant, le débat qu’elle a lancé devrait être l’un des plus animés de la campagne : faut-il faire payer les plus riches pour résorber les inégalités, promouvoir la protection de l’environnement, lancer de grands chantiers dans la santé, l’éducation, la rénovation des infrastructures, etc. ? Mme Warren a un plan de taxation des super-riches qui, selon son programme, ferait entrer en dix ans 3 750 milliards de dollars supplémentaires dans les caisses de l’État. Son concurrent à gauche dans la bataille des « primaires » démocrates, Bernie Sanders, propose l’adoption de mesures similaires.

A priori, ces chiffres paraissent outranciers. Ils le sont moins quand on sait que, comme s’en sont indignés à plusieurs reprises divers multimilliardaires depuis deux ans, les 0,1 % des Américains les plus fortunés disposent d’une richesse équivalente à celle des 80 % du fond du panier. Ces milliardaires-là – Bill Gates, Warren Buffett, les héritiers des empires Disney et Hyatt, entre autres – appellent ouvertement à une hausse notable de leur propre taxation. « Les riches devraient payer plus qu’ils ne le font actuellement, et cela inclut Melinda et moi », a encore clamé Gates le 4 janvier.

Faire payer les riches n’a rien de neuf aux États-Unis. L’idée s’affirme lors du New Deal, quand le président Franklin Roosevelt, en 1932, augmente la taxation de la tranche supérieure du revenu des plus riches de 50 % à 63 %. Celle-ci atteint 94 % en 1944, en pleine guerre mondiale. Elle va perdurer à un haut niveau jusqu’aux années 1970. Lorsque Ronald Reagan accède au pouvoir, en 1981, elle se situe encore à 70 % (pour les revenus supérieurs à 460 000 dollars de l’époque, soit 13,7 millions de dollars actuels). Elle va tomber très vite aux alentours des 40 %. Quant à la taxation globale du revenu des plus riches, elle baissera aussi de 55 % en moyenne à 34 %.

Depuis, tendanciellement, ces taux d’imposition n’ont cessé de se réduire. Et Donald Trump a accéléré le processus dans sa grande réforme fiscale de décembre 2017. D’abord en réduisant l’imposition des profits sur les capitaux, ensuite en procédant à un abaissement général de l’impôt sur le revenu de quelque 8 % pour tous. Belle preuve de mesure égalitaire « universelle » : depuis, les 1 % les plus riches – 1 770 000 foyers – se répartissent une manne équivalente à celle dont ont bénéficié… 97 millions de foyers, ceux qui constituent les 55 % des revenus imposables les plus faibles. Si Trump est battu à l’élection présidentielle de novembre, il est probable que l’enjeu de l’imposition des plus riches redeviendra une priorité de la nouvelle administration démocrate. 

 

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