Chez les petites gens, l’ambition jadis était de placer un reje­ton à la Poste. Ils y voyaient la ­sécurité de l’emploi, un certain prestige, la preuve d’une réussite tranquille mise au service de la collectivité. Facteur à vélo, agent de guichet, conseiller de proximité : le beau métier que postier. Plus tard, le rêve s’est perdu dans les files d’attente. Aller à la poste, c’était poireauter, affronter les humeurs d’employés renfrognés – z’avez qu’à attendre votre tour, on vous appel­lera. Le 22 à Asnières sonnait dans le vide, on ne faisait pas la queue au bon ­endroit et c’était toujours de notre faute si on ne savait pas affranchir un colis pour ­Maubeuge ou Oulan-Bator. 

Puis un jour tout a changé. Cela ne s’est pas fait sans drames ni crispations. Il y eut des crises, des grèves, des actes désespérés parfois, hélas. Mais la mutation s’est accomplie. Pour l’usager qui entre désormais dans un bureau de poste, le changement est spectaculaire. La circulation est fluide, les agents aimables vous demandent si vous avez besoin d’aide pour peser un paquet, libeller un recommandé, timbrer au bon tarif. Sans doute a-t-il fallu opérer de lourdes restructurations. Le service s’est métamorphosé malgré cela, comme une heureuse surprise. Les agents ont soudain réin­venté leur manière de travailler. Et le détour par le bureau de poste, loin d’être une corvée, devient un plaisir auquel on goûte incrédule. 

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