Il faut d’abord s’être demandé, comme Louis, si ça existe. Il ne va pas de soi, a priori, que des écoles en France forment aux jeux vidéo. Attiré par les images d’animation et la 3D, Louis termine à présent un master spécialisé dans le game programming à l’école Rubika de Valenciennes : il sera l’un des programmeurs des codes de nos jeux de smartphones, PC ou consoles. « En France, la tradition a privilégié la formation des game designers, explique Julien Villedieu, directeur du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV). Ce métier, comparable à celui d’un réalisateur de film, a toujours été le plus visible de l’industrie. » Pour répondre aux besoins du marché, les formations s’orientent de plus en plus vers le développement, c’est-à-dire les métiers dits informatiques.

Quelques chiffres. Dans une industrie en pleine expansion, l’évolution des métiers du jeu vidéo n’a rien d’anecdotique. Julien Villedieu établit à 7 000 le nombre de professionnels en activité. Le nombre d’étudiants croît de 16 % d’après le baromètre annuel du jeu vidéo du SNJV. Pour les former, on dénombre 133 écoles supérieures, à raison de 90 élèves par établissement, dont un quart de jeunes femmes. Tous les acteurs s’accordent à dire que ces étudiants sont des passionnés qui veulent comprendre les coulisses de l’industrie du jeu vidéo.

Lors de sa première année à Pôle 3D, à Roubaix, Jean explique avoir assisté à des cours communs à tous les parcours de l’établissement : animation 2D et 3D, maniement de logiciels de codage et même dessin. Jean Villedieu du SNJV observe que l’offre de formation est extrêmement diverse. Certaines écoles ne forment qu’aux métiers du jeu vidéo, comme Rubika, d’autres sont plus artistiques, comme Pôle 3D. Les étudiants ont le choix entre quatre grandes orientations qui définiront leur métier : les game artists (en charge du graphisme du jeu) ; les game designers, les game programmers (les techniciens) et les producers (les managers).

Et l’État ? Il lui revient de certifier la qualité des formations en reconnaissant ou non les diplômes des différents établissements. « Ils doivent pour cela prouver que la formation est adaptée aux besoins du marché de l’emploi et que les diplômés ont intégré le monde du travail dans leur domaine d’études », précise Charlotte Lavergne, directrice pédagogique des jeux chez Isart Digital, une école parisienne.

Les studios ont également leurs exigences. « Ils recherchent avant tout la pâte qui rend une personne indispensable pour une création : le talent », note Jean Villedieu. D’après Axel Buendia, directeur de l’École nationale du jeu et des médias interactifs numériques d’Angoulême (Cnam-Enjim), les étudiants pénètrent « dans un milieu où le niveau d’études est moins important qu’ailleurs ». À Ankama, studio producteur du jeu de renom Dofus, la directrice des ressources humaines Ludivine Vandewinckele explique que, le plus souvent, « le recrutement se fait sur book », un recueil des travaux du candidat, et que les compétences priment les diplômes. Elle rappelle aussi que les frais de formation parfois élevés des écoles écartent certains jeunes de la filière.

L’enseignement se structure autour de projets collectifs. « Le jeu vidéo est un sport d’équipe », affirme Axel Buendia de l’Enjmin. L’objectif est d’apprendre aux élèves à travailler dans des groupes qui recoupent toutes les spécialités afin de répondre aux demandes des employeurs. « Les écoles se doivent d’assurer aux étudiants quelques années d’avance technologique pour leur permettre de s’insérer sur le marché de l’emploi », explique Charlotte Lavergne d’Isart Digital. Concrètement, des professionnels interviennent systématiquement et l’on met l’accent sur les stages et l’alternance. Plus original : au sein des écoles, des incubateurs font office de studios et encadrent de bout en bout les projets de certains de leurs étudiants, de la recherche de mécénat jusqu’à l’édition du produit, en passant par le développement.

Ce rôle de soutien des organismes de formation paraît primordial. Responsable du pôle jeu vidéo de l’IIM (l’Institut de l’internet et du multimédia, installé à Paris), Thomas Nicolet rappelle qu’il existe une vraie difficulté d’insertion dans le marché du travail. Seuls 57 % des jeunes issus de ces écoles trouvent du travail dans l’année qui suit la fin de leur cursus. Julien Villedieux va plus loin : « La tension en termes de recrutement varie selon les métiers. Les futurs programmeurs auront l’embarras du choix au sortir de leurs études, tandis que les étudiants engagés dans les branches artistiques et les game designers auront de la peine à s’insérer. »

Lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail, les étudiants se trouvent face à une alternative dont ils ne maîtrisent pas tous les paramètres : travailler pour les grands studios qui produisent les « triple A », ces superproductions qui « en fichent plein la vue », ou opter pour les studios indépendants où, selon Jean, « la création, ces quinze dernières années, a fait un bond en avant d’un millénaire ». Aux yeux de Thomas Nicolet de l’IIM, les jeunes diplômés sont confrontés à un choix entre l’industrie et l’artisanat, et leur décision aura des conséquences profondes sur la pratique de leurs métiers. 

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !