On ne fait pas l’ascension de l’Himalaya avec n’importe qui. Trop difficile, trop dangereux. Pour secourir son ami Tchang, dont l’avion s’est écrasé dans le massif du Gosainthan, il n’était pas question que Tintin emmène le Professeur Tournesol ou les Dupondt, et encore moins la Castafiore. Seuls le Capitaine Haddock et le fidèle Milou sont de la partie.

Tintin au Tibet est exceptionnel à plus d’un titre. Le vingtième album de la série, paru en 1960, ne compte aucun méchant, et pas un coup de feu. Même le yéti, l’abominable homme des neiges qui a enlevé Tchang, est à sa manière un Bon Samaritain. On voit Tintin pleurer. Et, contrairement à d’autres œuvres d’Hergé, il n’y a ici aucune allusion à la situation politique, alors que la Chine vient d’envahir la région. Tintin au Tibet est essentiellement un hymne à l’amitié. Le héros n’hésite pas à risquer sa vie pour sauver un jeune homme dont on n’a plus aucune trace. Dans la montagne – lieu de ressourcement, de révélation, de rencontre du ciel et de la terre – c’est quasiment une aventure spirituelle, malgré les pitreries du capitaine Haddock qui se demande pourquoi il est venu « faire le zouave » dans l’Himalaya et troquer un bon whisky contre « du jus de rutabaga »… Il faut dire qu’Hergé traverse une crise existentielle et vient de découvrir les philosophies orientales. La neige, immaculée, lui inspire pureté et dénuement. 

Parfaitement documenté, admirablement dessiné, renouvelant la loi du genre, Tintin au Tibet est un chef-d’œuvre. Tous les tintinologues vous le diront : dans cette aventure en haute montagne, Hergé a atteint le sommet de son art. 

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