Les marchands de sable boudent le Sahara. Et pourtant, le grand désert africain est le premier gisement de la planète pour cette ressource minérale indispensable au BTP et à nombre d’industries. Le paradoxe n’est qu’apparent : il y a sable et sable et les caractéristiques physico-chimiques des légers grains des dunes sahariennes les rendent impropres aux bétonneuses. Trop petits, trop ronds…

Le sable est aujourd’hui un « or beige » aussi convoité, sinon plus, que le pétrole et l’eau : il est un matériau indispensable à toute construction humaine, de la simple maison (300 tonnes sont nécessaires) aux routes (30 000 tonnes le kilomètre d’autoroute). Mais le sable – que les industriels appellent aussi granulat – est tout aussi incontournable pour fabriquer du verre, des semi-conducteurs, des filtres et, bien sûr, pour délaver les jeans… Ces dernières années, la consommation de cette matière première minérale a fait un bond en avant avec la construction d’îles artificielles, par exemple à Dubaï. Au total, le volume des échanges avoisine les 70 milliards de dollars par an. 

Mais tout ce sable a été récolté sur les plages, dans la mer, dans des carrières, mais pas dans les déserts. Il y aurait pourtant largement de quoi subvenir aux besoins, notamment avec le Sahara : les dunes de sable occupent près de 20 % de la surface de ce désert de près de 9 millions de kilomètres carrés de superficie. « Il y en a de cette saloperie de sable, d’un bout à l’autre, c’est pratiquement sans limites à l’échelle humaine : on est entré […] dans la partie sableuse de la planète », a écrit Théodore Monod dans L’Émeraude des Garamantes. 

À quoi ressemble-t-il ? De couleur ocre, tirant parfois sur le blanc, les grains sont composés à 95 % de silice, avec quelques pourcents additionnels de calcaire et sels divers. Comme n’importe quel sable, il est le produit de l’érosion de roches travaillées sur des millions d’années par l’eau des océans, transportées par l’eau des rivières, battues par les vents, dispersées par les tempêtes. Au Sahara, les scientifiques ont estimé son diamètre : quand il est proche de la roche-mère, il est déjà petit, autour de 0,5 millimètre. Et quand on s’en éloigne, le grain de sable rapetisse jusqu’à un diamètre de 0,04 millimètre. Un sable lisse, « très fin, mal gradué », disent les ingénieurs. 

Ce granulat saharien ne répond pas vraiment aux normes établies fixant pour chaque type de matériau la granulométrie (la dimension des grains qui s’écoulent dans un tamis), la propreté (pas de limon ou d’argile) et les caractéristiques chimiques (humidité, présence de sels). Si on l’utilise pour du béton, par exemple, il y a risque de fissures. Il ne s’agrège pas bien : une construction incluant des grains sahariens, ronds et polis, risquerait de ressembler à terme à un friable château de sable…

Et pourtant, les ingénieurs ne renoncent pas. La littérature scientifique est riche d’essais réalisés au cours des dernières décennies. À la fin des années 1990, par exemple, une étude publiée dans le Bulletin des laboratoires des Ponts et Chaussées présente ses calculs pour la construction de routes traversant le Sahara : un ajout de 25 % de sable de dune dans un mélange composé de sable alluvionnaire, calcaire, gypse et argile est acceptable, explique l’auteur. Plus récemment, en 2018, quatre étudiants de l’Imperial College à Londres ont proposé leur solution : la « brique du désert ». Elle est composée de sable des dunes, auquel on ajoute un liant à la composition tenue secrète et protégée par moult brevets. Baptisé « Finite », le nouveau matériau sableux pourrait changer la donne au Sahara. Un mirage ? 

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