C'est la figure emblématique du combat pour la préservation de la forêt amazonienne. Raoni Metuktire, chef des Kayapos, a pris l’avion à plusieurs reprises – lui qui déteste les innovations techniques des « Blancs », susceptibles de porter atteinte à la culture de son peuple – pour rencontrer des chefs d’État, le prince Charles, l’empereur du Japon ou le pape. L’attention du public n’a été retenue ni par son collier de perles blanches ni par sa coiffure en plumes d’ara, mais par le labret spectaculaire qui lui déforme la bouche. Une pièce de bois circulaire, insérée dans sa lèvre inférieure depuis l’adolescence, donne en effet à son visage un aspect saisissant, pour ne pas dire profondément dérangeant. Les Kayapos n’ont pas l’exclusivité de cet ornement symbolique que l’on retrouve dans d’autres tribus amazoniennes ou africaines, mais Raoni est le seul homme-plateau auquel Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron auront serré la main ou donné l’accolade.

Ce vieillard ignore l’année de sa naissance. Sans doute est-il aussi vieux que la forêt qu’il défend bec et ongles. Raoni est d’autant plus respecté par les siens qu’il a obtenu la démarcation de vastes territoires tropicaux. Quoique suspendues à ses lèvres, les nouvelles générations de Kayapos refusent de sacrifier à la tradition du labret, et on les comprend.

Cet accessoire d’un autre âge a donné un air archaïque au sauvetage de l’Amazonie, alors que c’est l’avenir de la planète qui s’y joue. Toujours est-il que Raoni, qui ne sait ni lire ni écrire, a réussi à se faire entendre dans le monde entier. Avec lui, la Renommée, cette déesse aux cent bouches, a mérité son nom. 

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