Au-delà des jours et des travaux de votre vie,
mon général, quand je lève la tête,
je regarde pousser un grand galop d’arbre à pain :
le fait Charles de Gaulle augmente sous nos yeux
d’un fabuleux trésor de feuilles et de fruits.
 
Loué soit l’éclat de la parole-action
qui sous le ciel de Londres vous fit
un destin d’homme de tous les hommes
et plus Français libre que personne.
 
Cet été-là, en plein matin, mon général,
la nuit était tombée sur la tribu des mots :
brûlé vif à l’esprit le doux langage de France
ne savait plus à quel saint cartésien se vouer
 
patricien sans cadran solaire à
droite ou à gauche, en homme
d’un soir de juin émerveillé,
vous avez inventé le chemin
où les mots de tous les jours
se changent en action de soldat
et en vision plénière de poète. […]
 
Aidez-nous, mon général,
à métisser à la française
les choses belles et libres de la vie ;
aidez dans son histoire
la famille humaine à tenter à sa limite
une remontée sans précédent
des droits et des rêves de l’homme et du citoyen.

De Gaulle, c’est d’abord une voix, celle de l’appel du 18 Juin. Ou du « Mon Dieu comme vous êtes français », dit aux Martiniquais en 1964. Longtemps communiste, le poète haïtien René Depestre rend ici hommage au Général. Et compose une ode aux « mots créoles qui savent coudre les blessures / au ventre de la langue française ». 

Rage de vivre, œuvres poétiques complètes © Seghers, 2006

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