Dès l’époque des Lumières avec Jean-Jacques Rousseau, la nature et le monde rural sont dépeints de façon romantique, comme un idéal perdu. Cette vie « en dehors », loin des folies de la ville puis de la société industrielle, a pu séduire les utopistes disciples de Charles Fourier mais aussi des anarchistes libertaires, des héritiers de Mai 1968 et, aujourd’hui, les centaines de néoruraux qui partent peupler les campagnes, seuls ou en communautés.

Leur objectif : vivre dans la plus grande autonomie possible, refaire lien avec la nature et avec le cercle social local. Une démarche qui passe par l’autoconsommation – se nourrir de son potager, de ses poules… – et parfois par l’autoconstruction d’habitats souvent légers comme des yourtes ou des tipis. Sans oublier les activités artisanales telles que la maçonnerie, la vannerie ou la production de miel et de fromages.

La démarche de ces écologistes du quotidien peut s’appuyer sur l’idée de « simplicité volontaire » décrite par Léon Tolstoï, Henry David Thoreau ou encore l’économiste Serge Latouche, père de la décroissance. La « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi rejoint cette tendance : le paysan-philosophe incite chacun à agir à son échelle, « en colibri », pour plus d’harmonie entre les humains et la planète.

Cette préoccupation se traduit par des dizaines de pratiques, pour les habitants des villes comme des champs : le jardinage et le compost (partagés ou non), l’ornithologie en amateur, les sports de plein air, les AMAP et le locavorisme, qui revient à consommer uniquement la nourriture produite dans un rayon de 250 kilomètres maximum autour de son domicile, les visites de fermes… Autant d’indices de ce qu’Edward O. Wilson a décrit en 1984 comme la « biophilie », la tendance de l’être humain à chercher le lien avec la nature. Les achats d’occasion, le végétarisme, le refus de l’avion ou la consommation « zéro déchet » rejoignent ce souhait de limiter sa consommation et ses impacts. En creux, il s’agit de redonner de la valeur aux choses – qu’il s’agisse d’un meuble ancien, d’une confiture maison ou d’un Paris-Marseille parcouru en train.

La critique intrinsèque du progrès technologique débridé que portent ces modes de vie fait peser sur eux un soupçon de nostalgie ou de conservatisme. Beaucoup de leurs adeptes s’en défendent. Ils affirment utiliser des héritages du passé, certes, mais au service de leur épanouissement personnel présent – une forme d’épicurisme – et d’une exemplarité politique pour l’avenir. Une dialectique entre l’anxiété face à l’état actuel de la planète et l’enthousiasme de proposer un mode de vie alternatif, reconnecté et plus soutenable. 

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