Ce 10 octobre 2018, le Tribunal des générations futures tient séance, à l’université des Colibris, une association qui prône une société plus écologique et solidaire. Sur le banc des accusés : la démocratie. Nombreux sont en effet les écologistes à répondre désormais que la protection de l’environnement s’accommode mal de ce régime. Ainsi, le philosophe Dominique Bourg estime que la démocratie électorale que nous connaissons, pour des raisons qui lui sont inhérentes, n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et n’aura pas les moyens de l’être.

D’abord parce que la « transition écologique » exige un changement radical de modèle socio-économique. Qui peut croire que la démocratie parviendra à convaincre les citoyens de voter la décroissance ? Ensuite, parce que la démocratie était jusqu’ici le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres, mais que face à l’urgence, elle atteint son plafond de compétence. Car elle est à la fois lente d’action et bornée par le court terme. Presque toujours, le citoyen vote sur des enjeux immédiats : le pouvoir d’achat, l’emploi ou l’immigration. Or la menace climatique, en termes de perception, n’a pas l’impact du chômage ou des inégalités. Le problème numéro un de l’écologie consiste à faire adopter des mesures drastiques dont les effets ne seront mesurés que par nos petits-enfants. « Aucun homme politique ou parti ne remportera une élection sur un tel programme », juge Dennis Meadows, coauteur du rapport du Club de Rome en 1972. Enfin, parce qu’il en va de l’environnement comme de la finance : des décisions partielles peuvent être adoptées à des niveaux nationaux ou continentaux pour mieux réguler, mais seul un gouvernement mondial serait en mesure d’imposer à tous de nouvelles normes. On en reste très loin.

Quelle solution, dès lors ? Dominique Bourg propose de modérer les effets néfastes de la démocratie représentative en lui adjoignant une démocratie participative et délibérative. Comprendre la « société civile », ONG d’une part, scientifiques de l’autre. Les premiers constitueraient un « nouveau Sénat » en lieu et place des édiles actuels, les seconds une « académie du futur », sorte de tribunal des Sages. Ensemble, ils pallieraient les manquements de la démocratie élective.

Deux critiques majeures viennent, du cœur même de l’écologie politique, contrecarrer la vision de Bourg. Les deux affirment que la mission de l’écologie ne consiste pas à amender la démocratie ou à s’en détourner, mais au contraire à la rendre opérante. En commençant par « promouvoir l’élaboration démocratique des choix scientifiques », juge par exemple le biologiste Jacques Testart. Ou en libérant la démocratie des « régimes ploutocratiques » – autrement dit, de la prééminence de l’argent – qui la dévoient, estime le journaliste et essayiste Hervé Kempf, pour qui juguler la crise environnementale passe par une sortie du capitalisme financier actuel.

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