Vous avez accompagné et suivi la visite du président François Hollande à Bagdad. Qu’attend l’Irak de la France ?

Je vais vous répondre par une scène à laquelle j’ai assisté il y a huit mois. Lors de la cérémonie des vœux au corps diplomatique, le président de la République a évoqué les effets de la guerre de Syrie sur la Jordanie et sur le Liban, mais il n’a pas mentionné l’Irak du tout. J’en ai été affecté. À la fin des vœux, je m’en suis ouvert à lui, expliquant que c’était mon pays qui payait le tribut le plus lourd. « Nous le savons », m’a-t-il alors rassuré. 

Nous sortons aujourd’hui d’une période d’anémie de deux ans pour nos relations bilatérales, qui avaient pourtant repris avec force en 2009 avec des visites présidentielles de part et d’autre. Nos échanges commerciaux en ont bien sûr souffert. J’ai le sentiment que nous repartons de l’avant. 

En quoi les victoires militaires de l’État islamique ont-elles changé la donne ?

Depuis que Daech a pointé le nez, beaucoup de choses ont changé. Les Irakiens se sont rassemblés et luttent contre cet ennemi. Notre ennemi commun, car on se bat pour vous aussi ! Une semaine avant la chute de Mossoul, au nord de l’Irak, un Français converti s’est fait sauter dans un poste de police… 

Sur le plan militaire, vous devez savoir que les capacités irakiennes ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Notre couverture aérienne est quasi inexistante. Notre flotte se compose seulement d’hélicoptères et de deux avions à hélice. Nous ne possédons pas d’appareils de chasse. La perte de Mossoul a souligné nos failles. Le danger était là. Ce fut un réveil nécessaire. 

La France s’est-elle engagée durablement selon vous ?

Tout d’abord, nous remercions la France pour son initiative. Tout s’est fait très vite grâce, entre autres, à la qualité de la relation qui s’est nouée entre nos présidents. Nos échanges sont allés crescendo. D’abord humanitaires avec la visite de M. Laurent Fabius, puis militaires avec la livraison d’armes et de munitions à l’armée fédérale et aux forces kurdes, les peshmergas. Nous attendons de la France qu’elle tienne les promesses données lors de la conférence du 15 septembre. Le texte de référence est la déclaration du président Hollande qui nous assure d’un soutien politique, d’une aide humanitaire et d’un appui militaire dans la lutte contre le mouvement terroriste Daech. Cette assistance possède une base légale solide : le gouvernement irakien dirigé par Haïdar Al-Abadi a demandé cette aide. La conférence de Paris a été un moment important. Les États-Unis ont répondu à l’appel, comme la Grande-Bretagne, la Belgique, et bien d’autres pays. L’Arabie saoudite avait déjà débloqué 500 millions de dollars pour venir en aide aux réfugiés.

Combien de temps devrait durer cette intervention ?

Dans un premier temps, nous avons besoin d’une aide militaire aérienne. Cela prendra quelques mois, un an, et peut-être plus. Ensuite d’une aide à la reconstruction, au développement. Ce processus sera nécessaire dans les zones aujourd’hui occupées. 

Propos recueillis par L.G.

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