L’État islamique djihadiste du sinistre calife autoproclamé Abou Bakr Al-Baghdadi vient de loin. Il faut remonter à des temps où cet individu n’était pas encore né. Pour faire simple, datons son origine du 29 août 1966, le jour où le président égyptien Nasser a fait pendre Saïd Qotb, leader du mouvement des Frères musulmans. Un martyr.  À l’époque, l’islam n’était pas encore utilisé comme arme de guerre. On opposait ses valeurs à celles du progressisme marxisant et surtout totalitaire. La Syrie et l’Irak ­suivaient l’idéologie baasiste qui était vaguement socialiste et surtout totalement laïque. Mais aucun État arabe n’était démocratique. Le pouvoir s’héritait de père en fils ou bien on s’en emparait par la violence des coups d’État. Grand admirateur de Nasser, le jeune Kadhafi arrive au pouvoir par un coup d’État le 29 septembre 1969. 

La seconde date importante est la naissance de la ­République islamique d’Iran avec l’arrivée de ­l’ayatollah Khomeiny qui proclamait, en 1978, que « l’islam est politique ou n’est pas ». Au même moment, des Afghans ­chassaient les occupants soviétiques au nom de l’islam. La suite, on la connaît. Intervention ­américaine et émergence des talibans, précurseurs dans la barbarie. Le sommet en fut la destruction de l’art gréco-­bouddhique en 1998, puis le dynamitage de la statue du grand Bouddah dans la vallée de Bâmiyân en mars 2001. Il n’y eut aucune réaction officielle dans le monde musulman.

À partir de la fin des années soixante-dix, les ­notions de djihad et de république islamique s’imposent dans les luttes et vont jusqu’à contaminer la révolution palestinienne qui n’utilisait pas la religion et surtout l’islam comme idéologie de combat. Pour isoler ­Yasser Arafat, Ariel Sharon encourage ­discrètement la création du Hamas. Chiites et sunnites s’opposent notamment au Liban où le ­Hezbollah est très actif, armé et financé par l’Iran à travers son allié syrien présent sur le sol libanais. Aujourd’hui ce mouvement prête main forte à Bachar Al-Assad contre les rebelles laïcs et démocrates. En même temps, un accord aurait été passé entre Al-Assad et les leaders des djihadistes qu’il épargne dans ses bombardements. 

Ainsi, c’est l’absence d’une démocratie véritable dans le monde arabe et musulman, c’est l’autoritarisme de chefs illégitimes, c’est l’accumulation d’injustices sociales doublées de corruption et d’arbitraire qui vont se conjuguer pour donner naissance à des aberrations comme l’actuel État islamique qui s’étend dans une partie de l’Irak et de la Syrie et menace les pays de la région. Mais sans l’invasion illégale et insensée de l’Irak par l’armée américaine en mars 2003, ce pays n’aurait pas été ce champ de ruines, plaque du terrorisme international. Ne serait-ce que pour cela, G.W. Bush devrait être jugé par le Tribunal pénal international. 

On entend souvent la question qui fait mal : est-ce que la violence d’Al-Baghdadi et ses séides est contenue dans l’islam ? On peut répondre en rappelant l’histoire du catholicisme. Mais ce serait esquiver une question embarrassante. Évidemment l’islam prêche la paix et la tolérance, cultive des valeurs humanistes, en même temps il y est question de djihad, de lutte contre les ­mécréants, ­d’apostasie et de bien d’autres choses qui sont interprétées de manière diverse. Tout est relatif et tout dépend de l’inter­prétation qu’on donne de tel ou tel verset. ­N’empêche, jamais l’islam n’a prôné le suicide en vue de provoquer des massacres, jamais l’islam n’a dit qu’il fallait prendre des otages et les décapiter, jamais il n’a non plus répandu l’ignorance afin d’égarer les esprits faibles ou malveillants. Que de crimes sont commis au nom de l’islam. C’est aux musulmans de se mobiliser pour démasquer ces barbares, mais ils ne le font pas parce qu’ils sont dans le doute ou bien ils ont peur. 

L’État islamique djihadiste est une menace sérieuse pour tout le monde arabe mais aussi pour l’Europe. Des milliers de jeunes Européens dont certains sont d’origine maghrébine se trouvent actuellement sur le front de la guerre que mène le pseudo-calife. Ils retourneront un jour en Europe sans qu’on les repère, sans qu’on le sache, et là ils passeront à l’action. Car dans la tête d’Al-Baghdadi et de ses semblables, la lutte contre l’Occident est inévitable.  Reste à ­savoir qui finance, qui arme cet État sanguinaire ? Il faut rappeler que des États du Golfe ont ­apporté de ­manière officieuse leur aide à certains mouvements. Ce n’est que dernièrement que l’Arabie saoudite a condamné officiellement ce ­­« ­califat » sauvage. 

Que faire ? Si l’Amérique et l’Europe ­ne s’engagent pas davantage, nous verrons dans quelques mois des djihadistes européens semer la terreur dans les villes européennes ainsi qu’au Maghreb. L’islamisme radical a déclaré la guerre à l’Europe et au Maghreb. Ce serait une erreur de croire que les frappes américaines et françaises suffiront à mettre hors d’état de nuire Al-Baghdadi et ses suiveurs.

Il faut prendre au sérieux le discours de ce dernier.Il a prouvé sa détermi­nation en décapitant trois malheureux otages. S’il n’est pas combattu avec les armes qu’il faut, s’il n’est pas anéanti militairement, physiquement, il avancera, fera le malheur des pays voisins, enverra ses sbires tuer des innocents à travers le monde. Même si l’islam a bon dos dans cette affaire, il est urgent que les pays musulmans sachent que cet État djihadiste est destiné à les déstabiliser, à les ruiner et à les transformer en autant d’enfers. 

Une enquête rigoureuse devrait rechercher l’origine des bailleurs de fonds de cet État, car les vols qu’il a ­commis dans les banques de Mossoul ne suffisent pas pour entre­tenir une armée aussi forte. Que les États arabes se réveillent et qu’ils s’unissent ne serait-ce qu’une fois pour isoler les barbares, les désarmer et les juger. Sinon, il n’y aura plus de sécurité nulle part.  

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