On le sentait depuis quelque temps. La France lui apparaissait trop petite, mesquine et ingrate. Les chiffres donnaient la migraine. Chiffres de l’économie. Chiffres du chômage. Chiffres de ­popularité. Pas un pour rattraper l’autre. Sans compter le mauvais temps, ces averses incessantes. C’en était devenu une évidence : il était porteur de poisse, un petit dieu de la pluie. On finirait, un jour, par ne lui reconnaître que sa capacité amphibie à respirer normalement, oui normalement, sous des trombes diluviennes, lunettes embuées, regard flou.

Quand plus aucune manette ne semble répondre, quand le sol se ­dérobe, on fait le saut. Devenu invisible en son palais, il choisit les théâtres extérieurs. Chef suprême des ­armées… Au Mali, il déclencha l’opération Serval. Ce fut le plus beau jour de sa vie. En Syrie, il avait déjà dégainé, engagé volontaire et solitaire, quand ses frères d’armes le lâchèrent. Il lui fallut prendre patience. 

Enfin l’Irak vint. À la nuit tombée, il embarque dans un avion bleu-blanc-rouge, direction Bagdad. Soudain le monde entier nous regarde… Est-ce cela la grandeur de la France ? La tentation du tapis rouge. Protocole et gros fauteuils de potentats. Accolades et embrassades, promesse de Rafale. Et, comme les enfants, cette brusque bouffée de bonheur : pouvoir dire « Prems ! ». 

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