Diminuer l’anxiété, apaiser les émotions, calmer le stress… La méditation apparaît aujourd’hui comme un formidable outil de développement personnel, façonné dans les années 1990 par l’Américain Jon Kabat-Zinn et son best-seller Full Catastrophe Living (traduction française : Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, De Boeck, rééd. 2016). Cet ouvrage fondateur consacre la méditation sous sa forme dite de « pleine conscience » ou mindfulness based stress reduction (MBSR) qui, sans effacer complètement le côté spirituel de la pratique, met surtout en avant ses vertus en matière de santé et de bien-être.

Pour conquérir le grand public, il fallait cependant tirer un trait sur l’image New Age qui collait au terme de méditation et donner à ses bienfaits une crédibilité scientifique. Ainsi de nombreuses recherches ont, dans les années 2000, étudié l’activité cérébrale des méditants afin de pouvoir afficher des résultats probants. Parallèlement, la pratique méditative a été vigoureusement défendue et promue par des figures intellectuelles telles que Thich Nhat Hanh ou Matthieu Ricard, tous deux moines bouddhistes, le psychologue Zindel Segal, l’écrivaine Sharon Salzberg…

Au tournant des années 2010, tout était prêt pour que la pleine conscience devienne incontournable. « Validée scientifiquement » et soutenue presque unanimement par tous les penseurs autour du globe, tout le monde pouvait désormais s’asseoir en tailleur pour en récolter les bienfaits. La méditation devenait essentielle au sein d’une société toujours plus stressée, pressée et en manque de repères.

La France, que l’on aurait pu penser rétive à la mindfulness, compte tenu de son célèbre esprit cartésien, n’a pas été en reste au vu du succès de l’ouvrage du psychiatre Christophe André Méditer jour après jour, paru en 2011 et vendu à plus de 350 000 exemplaires. Les rayonnages des librairies ont commencé peu à peu à se remplir d’essais sur le sujet tels que Foutez-vous la paix, du philosophe Fabrice Midal, ou encore Philosopher et méditer avec les enfants, de Frédéric Lenoir. Avec une croissance des ventes de livres de développement personnel à plus 8 % en 2017 et un marché de l’édition qui représente tout de même la coquette somme de 45,3 millions d’euros, il y a fort à parier que le phénomène n’est pas près de s’essouffler.

C’est à cette même période que la méditation a posé un pied dans l’entreprise – en grande pompe chez Google – dans une optique d’augmentation de la productivité et de la créativité de ses collaborateurs. Depuis le concept a essaimé : petites start-up comme grandes entreprises (SNCF, Danone, Sanofi…) n’hésitent plus à proposer des séances de méditation à leurs employés. En échange d’une journée facturée entre 350 et 900 euros, chaque dirigeant peut tout à la fois œuvrer pour le bien-être de ses salariés et, en off, espérer dynamiser leurs performances, soft skills ou leadership. Et si cela ne suffit pas, des afterwork ou des animations ponctuelles menées par un chief hapiness advisor chevronné permettent généralement de convaincre les plus récalcitrants. 

En dehors des open spaces, le business de la méditation est tout aussi florissant. Des applications sur smartphone en veux-tu en voilà, Zenfie, Méditer avec Christophe André, Mind… sans oublier Petit Bambou et son moine souriant, que tout parisien a déjà pu croiser au moins une fois dans les couloirs du métro. Celle que les médias décrivent comme « le nirvana des applis de méditation » revendique 2,7 millions d’abonnés, sans pour autant dévoiler combien d’inscrits paient les 6,99 euros d’abonnement mensuel. 

Même si la plupart de ces applications, bien pensées et bien conçues dans l’ensemble, peuvent être une aide pour se lancer dans la pratique de la méditation, certains préféreront se faire guider par un vrai maître en chair et en os. Ils pourront alors réserver un cours particulier de méditation sur superprof.com, par exemple, avec des tarifications à l’heure très variables, de 14 à… près de 150 euros ! Un grand écart de prix d’autant plus étonnant que, s’il existe une certification MBSR accessible en huit semaines pour un coût moyen de 350 euros et un diplôme de médecine, méditation et neurosciences, qui pourraient attester d’une formation particulière de tel ou tel professeur, très peu d’entre eux affichent l’une ou l’autre.

Enfin, pour ceux qui préféreraient la convivialité d’un cours collectif, ici encore, pas d’inquiétude ! La pléthore de stages, d’ateliers et de journées d’initiation peut vite donner le tournis. Si certaines, assurées par des praticiens de renom, ne coûtent qu’une petite dizaine d’euros, à l’image des soirées portes ouvertes de l’École occidentale de méditation, il vous faudra ouvrir votre portefeuille, presque autant que vos chakras, pour réserver un stage plus complet. Comptez de 135 à plus de 1 000 euros pour une des 200 retraites en Europe disponibles sur le site BookYogaRretreats.com, hébergement et repas végétarien inclus bien entendu. 

Mais n’oubliez pas d’amener votre zafu, plus communément appelé coussin de méditation, que vous pourrez acquérir pour la modique somme de 20 à 50 euros en fonction de sa qualité, ni vos chaussures adaptées au kinhin, la marche méditative zen, disponibles sur Amazon pour un peu moins de 100 euros… Décidément, « entrer en méditation », cela se mérite ! 

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