Elle est devenue, depuis quelques années, la panacée de bien des maux qui empoisonnent notre quotidien. Longtemps prisonnière de son écrin religieux, la méditation est aujourd’hui recommandée à tous, contre le stress, les angoisses, l’insomnie, la dépression, les toxicomanies, voire les douleurs chroniques, avec des résultats scientifiques avérés. Elle est ainsi remboursée par la Sécurité sociale dans le cadre de certaines thérapies hospitalières, et même prise en charge par une compagnie d’assurances française depuis l’automne dernier ! Certains la recommandent pour aider les adolescents à réviser le bac, pour gonfler la confiance en soi et la concentration. D’autres encouragent sa pratique dès le plus jeune âge, histoire d’apaiser les plus petits. Et à l’autre bout de la vie, elle aiderait à lutter contre les pertes de mémoire et certaines formes de démence. Bref, la méditation prend aujourd’hui des airs de thérapie miracle qui méritait bien que le 1 lui consacre un numéro, afin de mieux comprendre les ressorts d’un tel engouement.

Car la passion qui entoure aujourd’hui la méditation en dit aussi long sur les mérites de la pratique elle-même que sur l’état de notre société. Comme l’explique le psychiatre Christophe André dans l’entretien qu’il nous a accordé, celle-ci vient répondre à une « crise de l’époque », où hyperconnexion et accélération favorisent un sentiment d’éparpillement, de vide existentiel. Avec ses promesses de calme, de lenteur, mais aussi de continuité et de compréhension de soi, la  méditation dite de « pleine conscience » pourrait ainsi pallier des carences invisibles et nous permettre de renouer avec une forme de spiritualité laïque, premier pas sur le chemin vers une « meilleure version » de nous-même. Et c’est peut-être là que le bât blesse. Car il n’y a pas bien loin entre la possibilité de l’apaisement et l’injonction à l’entretien de soi, entre l’attention gratuite à l’instant présent et le dévoiement mercantile d’une pratique ancestrale. La nouvelle économie l’a bien compris, qui a investi largement le secteur ces dernières années à coups d’applications pour smartphones ou de cailloux connectés à soixante-dix euros pièce. Sans même parler des grandes entreprises qui multiplient les stages de méditation, sous la houlette d’un chief happiness officer, afin de réduire le stress de leurs salariés – et tant pis si les remèdes à l’angoisse ne peuvent en faire oublier les causes… Agrémentée à toutes les sauces, la méditation mérite mieux que cet ersatz de développement personnel. Et peut constituer le support d’une véritable philosophie de vie, mettant l’accent sur la relation entre le corps et l’esprit, et partant, sur les liens entre l’individu et son environnement. Le genre de philosophie qui pourrait permettre d’envisager l’avenir de façon beaucoup plus zen… 

 

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