L’impôt sur la fortune (ISF) « n’est pas un totem », affirmait en janvier Emmanuel Macron. L’interdiction du glyphosate « n’est pas un totem », assure maintenant la secrétaire d’État à la transition écologique. Alain Duhamel recommande une mesure spectaculaire, « un totem social », alors que Le Monde s’attend à voir « tanguer un autre totem, celui du lien entre l’ENA et les grands corps »…

Totem par-ci, totem par-là : on est loin du poteau en bois sculpté des tribus amérindiennes incarnant un animal vénéré qui représentait l’ancêtre. Mais le mot plaît, et il n’est pas utilisé seulement au sens figuré : pour le Grand Débat, la municipalité de Dinan avait fabriqué « un totem itinérant », à savoir un panneau mobile à quatre faces destiné à recueillir l’avis des habitants. Certains d’entre eux y ont probablement inscrit « Macron démission ». Sont-ils allés plus loin en réclamant un régicide ?

Dans Totem et tabou, paru en 1913, Freud imagine une horde primitive, dotée d’un père tout-puissant qui s’appropriait toutes les femmes. Ses fils le tuèrent et mangèrent son cadavre au cours d’un « festin totémique ». Puis, pris de remords, ils instituèrent l’interdiction de l’inceste et du parricide, donnant naissance à une société civilisée. Celle-ci, nous dit l’inventeur de la psychanalyse, est fondée sur le régicide et ne sort de l’anarchie qu’en se réconciliant avec l’image du père…

Une réconciliation totémique est-elle envisageable dans la France des tribus ? Les Peaux-Jaunes, de retour dans leurs réserves, renonceront-ils aux danses apaches du samedi ? Dans son tipi de l’Élysée, le grand sachem saura-t-il leur proposer le bon calumet de la paix ? 

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