Depuis une trentaine d’années, chaque fois qu’une privatisation est envisagée par un gouvernement (de droite ou de gauche), l’opposition (de gauche ou de droite) accuse immanquablement le pouvoir de « brader les bijoux de famille ». L’expression s’impose absolument, quelle que soit l’entreprise concernée.

« Brader » vient, paraît-il, du néerlandais braden qui signifie « rôtir ». D’où l’idée d’abîmer par le feu, et, de là, gaspiller, sacrifier, bazarder… Mais le verbe n’a pas attendu que les privatisations soient atteintes par les flammes : à l’époque de la décolonisation, des responsables politiques étaient qualifiés de bradeurs d’empire.

Quant aux bijoux de famille, on les brandit sans aucune pudeur, oubliant – ou faisant mine d’oublier – que ces trois mots désignent vulgairement les parties génitales masculines. L’origine de la formule n’est pas claire. Selon certains, elle remonterait au Moyen Âge, quand des hommes ne disposant pas de coffre-fort cachaient des bijoux dans leur culotte.

Tout cela est bien intéressant, me direz-vous, mais où va la France ? C’est une bonne question, et je vous remercie de me l’avoir posée. La France gagnerait, me semble-t-il, à élargir son vocabulaire. Quelques efforts louables sont déjà faits. Jean-Luc Mélenchon dénonce « la perte des biens communs de la patrie » ; le Rassemblement national s’élève contre « la politique de liquidation des biens publics » ; et Philippe Gosselin, député LR de la Manche, dans une riche formule, déplore « une braderie de fleurons qui sont les bijoux communs de la nation ». Plus concise, la Castafiore résumait l’affaire par un cri à faire trembler les murs de Moulinsart : « Ciel, mes bijoux ! » 

Vous avez aimé ? Partagez-le !