Foncièrement hostiles au Brexit, les opérateurs de la City devraient être dans leurs petits souliers devant l’onde de choc attendue au largage des amarres. En réalité, la première place financière européenne, voire mondiale, saura profiter à bon escient de la nouvelle course étincelante et orgueilleuse au grand large.

En effet, le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne permettra à Londres de décupler ses atouts traditionnels que sont l’avantage des fuseaux horaires, la langue anglaise, le droit coutumier, la souplesse de sa réglementation ainsi que son formidable savoir-faire en ingénierie financière.

« La première place financière européenne est tout bonnement incontournable, explique Miles Celic, directeur général du lobby CityUK. Il serait pratiquement impossible de reproduire sur le Vieux Continent la masse critique suffisante en talents et en capitaux concentrée à Londres. » La preuve, le « bain de sang » que prédisaient quelques esprits chagrins après le référendum du 23 juin 2016 ne s’est pas produit.

Les délocalisations attendues d’effectifs bancaires européens de Londres vers le continent n’auront pas lieu. Et pour cause, la perspective du Brexit n’a pas fait fuir du royaume, avec bagages et bas de laine, les expatriés de la City pour demander asile sous des cieux censés être plus cléments. Paris ou Francfort, les deux cités financières théoriquement en pole position pour exploiter le départ du Royaume-Uni, sont incapables, de par leur taille réduite et leurs limitations nationales, de concurrencer la suprématie de Londres, véritable poumon financier de l’Europe.

Qu’importe que la sortie du marché unique entraîne, entre autres, la perte du « passeport financier européen » qui autorise une institution financière installée dans un pays membre à vendre des produits financiers à travers toute l’UE ! Les combines permettant de court-circuiter l’interdit des 27 se sont multipliées, grâce au savoir-faire de professionnels aux méthodes rodées venus des quatre coins du monde. Ainsi, la levée des restrictions européennes qui pèsent sur les primes des banquiers va attirer dans la capitale britannique les meilleurs éléments extra-européens. La prise de risques, sans laquelle il n’y a pas de profit, en sera encouragée.

En outre, le Square Mile (surnom de la City, qui signifie littéralement « le mile carré », soit sa superficie) va désormais pouvoir devenir en toute liberté le cheval de Troie de l’argent chinois en Europe. L’accord financier anglo-chinois de 2013, le rôle clé joué par la City dans l’internationalisation du yuan, la prééminence de Hong Kong et des îles Vierges britanniques pour recycler l’argent sale provenant de l’Empire du Milieu ainsi que l’absence de patriotisme économique sont autant d’atouts imbattables.

Enfin, les chemins de l’offshore débridé passeront plus que jamais par Londres qui se tapit au centre d’une toile d’araignée de paradis fiscaux de la Couronne. De la capitale rayonnent, en effet, toutes les institutions financières dont le nom est synonyme de la quête d’une fiscalité réduite ou nulle. Les lendemains sont prometteurs pour la sphère extraterritoriale britannique, totalement opaque.

L’emblème de la City est symbolique des nouveaux horizons d’enrichissement ouverts par le Brexit : deux dragons enserrant dans leurs griffes un bouclier frappé de la devise Domine dirige nos (« Seigneur, guidez-nous »). Qui dit mieux ? 

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