Il n’est pas si fréquent que le besoin de parler se manifeste de manière aussi impérieuse. Il est encore plus rare que l’exécutif tente de l’organiser. Le grand débat national, dont le terme a été fixé au 15 mars, est décidément atypique. Très contrôlé et pourtant bien vivant. Décrété par l’Élysée, mais nourri par des centaines de réunions citoyennes. Trois faits retiennent aujourd’hui notre attention.

Le premier, le plus palpable, est la libération de la parole. Que les personnes consultées approuvent ou n’approuvent pas l’initiative d’Emmanuel Macron, qu’elles y croient ou n’y croient pas, qu’elles soupçonnent ou non un « enfumage », selon l’expression du jour, chacune apprécie de pouvoir dire son mot. Car c’est bien le plus frappant dans ces assemblées tenues dans des salles polyvalentes ou dans les mairies, beaucoup s’y rendent pleins de suspicion et en ressortent rassérénés.

S’agirait-il d’une catharsis à l’échelle nationale permettant de passer à autre chose ? Un grand débat pour envoyer les Gilets jaunes dans « les poubelles de l’histoire » ? C’est le deuxième élément saillant de ce moment de la crise : à l’évidence, le grand défouloir réserve des surprises. Les opposants et les béni-oui-oui, les ruraux et les citadins, les jeunes (minoritaires) et les seniors (majoritaires) s’expriment en dépassant bien souvent le lot des récriminations et revendications classiques. À la faveur des discussions, ils dressent un bilan, formulent des propositions, plantent un décor politique. Miracle, le monologue s’estompe au bénéfice du dialogue. Le simplisme se dissout dans la complexité. Une demande de transparence et de démocratie augmentée surgit.

Comment Jupiter parviendra-t-il à saisir la torche brandie par les citoyens ? C’est la troisième pièce d’un puzzle qui en contient beaucoup d’autres. À force de donner plus souvent qu’à son tour des leçons de démocratie à la terre entière, la France a oublié de s’imposer régulièrement des examens de conscience. Si elle n’a pas à rougir de ses libertés, elle devrait admettre ses lacunes et ses retards. À l’évidence, elle n’a rien d’une démocratie apaisée. Tenue par son histoire, elle est bien plus soumise aux lois de la République que fidèle aux idéaux démocratiques. Deux de ses voisines, l’Allemagne et la Suisse, pour se limiter à ces exemples, cultivent bien davantage les outils clés de la démocratie moderne : une invitation à la participation, le goût de la délibération, le souci du consensus. Il faudra bien plus qu’un numéro du 1 pour analyser ce nouvel art de gouverner que les élites françaises rejettent trop facilement. 

 

Rectificatif

Nous avons publié une fausse information dans le « Zakouski » du numéro consacré aux séries. L’histoire de cet abonné de Netflix ayant vu 188 épisodes de la série The Office en une semaine, largement diffusée sur les sites d’information, était erronée. Décidément, les fake news se glissent partout. Nous vous présentons toutes nos excuses.

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