Rien n’est plus français que le débat. La langue de Molière se prête admirablement aux discussions publiques, y compris télévisées, qu’on appelle dans nos campagnes les talk-shows.

Le débat peut prendre mille formes, de la plus académique à la plus bordélique. Colloque n’est pas causerie, et discussion n’est pas dispute. Il y a loin de l’échange de vues à l’empoignade, de la prise de parole à la prise de bec. 

L’art de la conversation, qui passait en Europe pour une spécialité française, exigeait du vocabulaire, du goût, de l’esprit et beaucoup de temps libre. Privilège d’une noblesse oisive, il a quasiment disparu avec la Révolution. Aujourd’hui, d’un beau parleur, on dit qu’il a de la tchatche. Et quelqu’un qui excelle dans les discussions publiques est un débatteur. Souvent aussi un battant qui a battu les autres et s’est débattu au milieu des difficultés pour se faire une place au soleil. Avec un gilet jaune, la conversation prend les habits de la contestation. Les barrages routiers se voudraient-ils les derniers salons où l’on cause ?

Un débat vient de loin, sans savoir où il va. Il émerge, se profile, s’amorce, roule sur une question, achoppe sur une autre, s’enlise parfois, s’alimente, se ranime, revient sur le tapis, s’envenime, dégénère… Houleux ou feutré, de pure forme ou complètement biaisé, il lui arrive de se clore avant même de s’engager quand il se heurte à des refus carrés, par exemple sur les ronds-points.

Résumons. Débattre n’est pas déblatérer. Si les uns se débinent, si d’autres débitent des banalités, si chacun enfourche son dada et déballe son boniment, le débat vire à la débâcle, et alors tout va à la débandade. 

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