Faut-il se limiter au cadrage des quatre thèmes proposés (transition écologique, fiscalité, organisation de l’État, débat démocratique et citoyenneté) ? On peut faire coexister dans le débat un « in » et un « off », un espace très cadré autour des thèmes avancés, et un autre plus éclaté autour de thématiques diverses. Mais on peut aussi considérer que la démocratie participative peut faire émerger des questions, des thématiques, portées par un très grand nombre de citoyens. Je me méfie un peu de ce dernier aspect quand je vois la capacité d’instrumentalisation de certains mouvements citoyens capables de faire nombre – comme sur la plateforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) avec l’abolition du mariage pour tous, par exemple. Tout dépend du niveau de mobilisation générale sur ce grand débat. S’il est élevé, il y a peu de possibilités d’instrumentalisation par un groupe de citoyens qui souhaiteraient s’emparer de l’agenda.

Quand bien même ce grand débat serait un succès, cela ne nous épargnerait pas d’envisager des réformes beaucoup plus structurelles de nos institutions. Je pense qu’on peut réfléchir par exemple à de meilleures manières de voter, comme le vote par jugement majoritaire : on donne une appréciation sur tous les candidats, et celui qui a le jugement médian le plus élevé est élu. C’est une façon d’abandonner les votes stratégiques, qui ne reflètent pas toujours la volonté réelle des électeurs, et ainsi de produire davantage de légitimité. Car la brutalité du scrutin actuel fait que le président ne peut vraiment se prévaloir que du soutien des 18 % des électeurs inscrits qui ont voté pour lui au premier tour. Il faudrait donc réformer les institutions, en créer de nouvelles. Et surtout s’assurer d’un profond changement de notre modèle éducatif, qui veillerait à ne plus produire des élites arrogantes, formées à des savoirs abstraits, détachés de l’expérience, qui finissent par croire qu’elles peuvent gouverner sans l’appui des autres. Des gens à qui on n’a jamais appris l’empathie, la coopération, mais plutôt la concurrence, la compétition. Si nous souhaitons une démocratie apaisée, nous devons, dans l’ensemble de la société, développer les émotions démocratiques, des formes de vie démocratiques. 

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