Or ces hommes, enfants ! pour apaiser leur faim,
N’ont pas assez des fruits que Dieu mit sous leur main ;
Leur foule insatiable en un soleil dévore
Plus qu’en mille soleils les bois n’en font éclore ;
En vain comme une mer l’horizon écumant
Roule à perte de vue en ondes de froment :
Par un crime envers Dieu, dont frémit la nature,
Ils demandent au sang une autre nourriture ;
Dans leur cité fangeuse il coule par ruisseaux !
Les cadavres y sont étalés en monceaux. 
Ils traînent par les pieds, des fleurs de la prairie,
L’innocente brebis que leur main a nourrie,
Et, sous l’œil de l’agneau l’égorgeant sans remord, 
Ils savourent leurs chairs et vivent de la mort !
Aussi le sang tout chaud dont ruisselle leur bouche
A fait leur sens brutal et leur regard farouche.
De leurs cœurs que ces chairs corrompent à moitié
Ils ont comme une faute effacé la pitié,
Et leur œil qu’au forfait le forfait habitue
Aime le sang qui coule et l’innocent qu’on tue.
Car du sang de l’agneau qui suce l’herbe en fleur
À celui de l’enfant il n’est que la couleur :
Ils ont à le verser la même indifférence ;
Ils offrent l’un aux sens et l’autre à la vengeance,
À la haine, à l’amour, à leurs dieux, à la peur.
Pour le verser plus tiède en se perçant le cœur
Ils aiguisent le fer ennemi de la vie,
Le fer qui fait couler le sang comme la pluie,
En haches, en massue, en lames, en poignard.
De l’horreur de tuer ils ont fait le grand art,
Le meurtre par milliers s’appelle une victoire ; 
C’est en lettres de sang que l’on écrit la gloire :
Le héros n’a qu’un but, tuer pour asservir !
Le peuple les abhorre et meurt pour les servir.

Pour l’éducation de son fils Alphonse, Alix de Lamartine s’inspire du frugal Jean-Jacques Rousseau. Végétarien, le poète sera convaincu que la viande abrège nos jours. Et qu’elle endurcit nos cœurs envers nos congénères. Député, il se battra contre l’esclavage et pour le suffrage universel. 

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