Les professeurs sont devenus des profs. Certains enseignants ne l’ont toujours pas digéré. La manière dont on les désigne n’illustre-t-elle pas le peu de considération qu’on leur porte ? Les retraités les plus chagrins, qui ont exercé ce métier avec passion pendant des décennies, voient leurs jeunes collègues ravalés au rang de « demi-professeurs ». Ou, comme le disait l’un d’eux, de « professeurs abrégés »…

Tous les collégiens de France savent que nous sommes devant une apocope (chute de la terminaison d’un mot, comme dans « ciné » pour cinéma). À ne pas confondre avec cet autre métaplasme qu’est une aphérèse (suppression des premières lettres, comme dans « bus » pour autobus). « Prof » a fait son apparition dès 1890, pour s’imposer peu à peu. Même les intéressés ont pris l’habitude de se désigner ainsi. C’est vrai qu’un comédien n’est pas devenu un comé, et un boulanger un boul, mais on retrouve l’apocope dans nombre de professions médicales (dermato, otorhino, cardio, kiné…), sans pour autant les dévaloriser.

« Prof » n’a pas la tonalité péjorative de « flic ». On peut y voir une bienveillante familiarité. Dans un métier qui se féminise, cette abréviation neutre a au moins le mérite de nous éviter le vilain « professeure » ou le ridicule « professoresse ». D’ailleurs, l’apocope règne en maître, si l’on peut dire, à l’école : bac, gym, maths, histoire-géo, sciences nat, labo, récré… C’est toute une société saisie de rapidité qui apocope : actu, apéro, bio, ordi, transat… Ces abréviations sont entrées dans le… dico. Pressés, impatients ou simplement paresseux, nous avons tendance à vivre à demi-mot. 

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