Voilà près d’un demi-siècle, avec la promulgation de la loi Mazeaud, que la France a institué un régime de prohibition pour le cannabis : pénalisation de l’usage, indistinction avec les drogues les plus dures et peines de prison promises aux consommateurs comme aux revendeurs. Les résultats de cette politique ? Notre pays constitue aujourd’hui le plus gros marché européen pour les barons de la drogue, avec plus de 700 000 consommateurs quotidiens, et près de 5 millions d’usagers occasionnels, conduisant à un engorgement des tribunaux et au sentiment d’un immense gâchis. Car loin de protéger la jeunesse des ravages de l’addiction, cette répression à tout va encourage au contraire les conduites à risque, dégrade la qualité des produits, pousse vers l’illégalité et le trafic les classes populaires. Nos adolescents fument en masse, et c’est la France entière qui tousse. Le candidat Emmanuel Macron semblait en avoir conscience, lui qui appelait dans son livre Révolution à une dépénalisation des petites doses, avant de rétropédaler pendant la campagne présidentielle. Et le cafouillage récent sur l’ouverture de soi-disant coffee-shops vendant des joints micro-dosés en THC a encore mis en lumière les hésitations d’un État dont on se demande parfois si ses dirigeants n’ont pas fumé la moquette, à force de glisser depuis tant d’années le sujet sous le tapis. L’exemple étranger devrait pourtant nous inciter à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Depuis plusieurs années, les expérimentations s’y multiplient, que ce soit en Hollande, au Portugal, en Californie et jusqu’au Canada, où la marijuana sera désormais en vente libre à compter d’octobre prochain, assortie d’un ambitieux programme de prévention. Et, s’il faudra du temps avant de mesurer les effets sur le long terme de cette grande ruée vers l’or vert, les premiers résultats sont assez encourageants pour que le 1 s’interroge, cette semaine, sur l’opportunité de sa légalisation. À commencer par celle du cannabis à des fins médicales, dont la ministre de la Santé Agnès Buzyn a déjà annoncé qu’il pourrait bientôt être prescrit chez nous. Selon un sondage Ifop, 82 % des Français seraient d’ailleurs favorables à cette mesure, qui permettrait de soulager les souffrances de malades atteints du cancer ou de la sclérose en plaques, notamment. Ce serait un premier pas nécessaire, avant d’engager un débat véritable sur la place du cannabis dans notre société. Un débat lucide et sans angélisme aucun : non, bien sûr, comme le chantait le groupe Matmatah, « le pétard n’élève pas la raison ». Il peut même engendrer de graves troubles psychiatriques s’il n’est pas consommé avec modération. Mais l’approche actuelle, aussi coûteuse qu’inefficace, ne peut être satisfaisante. Sauf à accepter, évidemment, de passer pour de parfaits fumistes. 

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